1. Lors d'une fête qui
se déroulait en soirée chez ma grand-mère, alors que toute la famille
était réunie, ma marraine alerta tout le monde pour signaler que "des
gens" arrivaient par le jardin de derrière la maison. Elle les
avait parfaitement vus, ils portaient des torches. Aussitôt, mon
père, mon parrain et mon oncle s'en allèrent voir, armés de couteaux de
cuisine. Mais comme tout le monde était bien éméché, ce fut en
riant et en chantant en wallon : "Quand no's'édirons, no s'édirons
tertoutt"" (Quand nous partirons, nous partirons tous ensemble). Cet
épisode est resté longtemps dans la famille parmi les anecdotes que l'on
se racontait par la suite. C'est ainsi que j'en ai vent car
j'étais trop petit au moment des faits pour avoir un quelconque souvenir
de cette affaire.
Apparemment, il n'y avait rien, personne.
On mit cela sur le compte du vent et de l'alcool. Toutefois, en y
réfléchissant bien, il y avait quelque chose d'assez bizarre dans ce
témoignage en ce sens que le mur du bout du jardin était trop haut et
trop traître que pour permettre une escalade (il comportait notamment
des tessons de bouteille qui auraient provoqué des blessures presque à
coup sûr). Si les gens en question provenaient d'un jardin voisin
le passage aurait été rendu malaisé en raison des clôtures auxquelles
aucune déprédation ne fut relevée; d'autre part, à cette époque et dans
cette petite ville de campagne (comme c'était alors le cas pratiquement
partout), les gens connaissaient parfaitement tous leurs voisins et
n'auraient pas manqué de les nommer en les apercevant. Par
ailleurs, ces derniers n'auraient pas eu besoin de torches pour
s'orienter. Enfin, il est fort peu probable que les intrus aient
eu le temps de s'en retourner pendant que ma marraine donnait l'alerte
et, on le sait, la réaction avait été immédiate. Si les intrus
avaient été des "étrangers", leur fuite ne serait pas non plus passée
inaperçue en raison de leurs torches qui auraient du être bien visibles
dans l'obscurité, même au loin et dans le cas où ils les auraient
précipitamment éteintes, il aurait été extraordinaire qu'ils puissent
escalader à nouveau le mur sans subir de méchantes coupures.
Enfin, ce n'était pas trop le genre de ma marraine de raconter des
"craques".
2. Quand nous habitions à Ollignies, un
petit bled perdu non loin de Lessines, la maison était ancienne et très
grande. Il s'agissait en fait d'une vieille ferme restaurée, avec
de nombreuses dépendances externes. Comme c'était souvent le cas à
l'époque, il fallait traverser la cour pour se rendre aux toilettes, à
l'extérieur (parfois, ces toilettes étaient au bout du jardin).
C'est justement en m'y rendant pendant la nuit que je tombai nez à nez
avec un petit dispositif que quelqu'un avait déposé là. C'était
une betterave dont on avait creusé l'intérieur pour lui donner
l'apparence d'une tête de mort. A l'intérieur, on avait disposé
une bougie allumée. Pour un enfant de mon âge, ce spectacle avait
quelque chose d'assez terrifiant. Mais ce qui était plus terrible
encore c'était de savoir que cela ne pouvait provenir que d'un étranger
à la famille. Un voisin indélicat avait donc violé notre propriété
pour se rendre coupable de ce tour pendable.
C'était sans conséquence, naturellement. Mais dans l'obscurité
nous n'avions pu voir tout de suite que l'on avait aussi cloué des
chauves-souris sur les portes de la grange. On ne les vit que le
lendemain. Qui avait pu faire cela et pourquoi, nous ne le sûmes
jamais !
3. Quelques temps plus tard, je me souviens
que nous avons nuitamment patrouillé l'immense verger derrière chez nous
parce que, cette fois, nous y avions manifestement vu passer des gens
portant des flambeaux. Mais la chasse s'est avérée vaine, les
ombres disparurent. Pourtant, de ce côté là, il était presque
impossible de s'échapper et en tous cas certainement pas aussi vite car
il y avait de nombreuses clôtures, faites de fils de fer barbelés,
parfois électrifiées. Ensuite, c'était des bois ou carrément des
murs, plutôt hauts et sans aucune ouverture. Nos deux chiens,
Tarzan et