Centre d'Etudes et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués


L'accident

L'histoire qui suit est strictement authentique et racontée par M. Vanbockestal, fondateur du CERPI, qui a vécu cette expérience.

TERMINATOR

Nous sommes en 1985.  A n'en pas douter, je suis au mieux de ma forme physique.  Je carbure au sport à gogo, je suis dans la fleur de l'âge, je "casse la baraque". Ce n'est pas pour rien que j'officie comme portier dans l'un des dancings les plus mal famés de la capitale.  Malgré que je ne sois pas bagarreur dans l'âme (loin s'en faut), j'ai tout le répondant qu'un employeur peut attendre de moi pour cette fonction et même plus. Les mauvais coucheurs n'ont qu'à bien se tenir et ceux qui n'en sont pas convaincus en sont pour leurs frais.  La pratique assidue des sports de combat, des arts martiaux, mon passé de commando, y sont pour quelque chose.(1)

A l'époque, il n'y a pas encore de réglementation pour cette profession que j'exerce pourtant en toute légalité, c'est inscrit sur ma carte d'identité, je suis déclaré et parfaitement en ordre. Mais les choses ne sont pas comme maintenant. Les clients ne se présentent pas encore avec des Riot guns et si la drogue circule déjà en revanche les conflits se règlent encore - généralement - de manière traditionnelle, avec les poings et à la force du poignet. Pas de problème: si je suis en torse nu, on voit qu'il y a une certaine ressemblance avec Terminator (2).  Il y en aura bientôt une autre, moins attendue.

Septembre 1985, je viens de fêter dignement mon anniversaire, le 12.  Mais ce soir là, la nuit du 15 au 16, il n'est pas question de réjouissances.  Le 15 est un dimanche soir et je viens de terminer mon boulot de sorteur.  La soirée s'est passée sans histoires, pas de bagarres, pas d'ennuis.
A l'époque, je réside avec ma compagne qui habite Lessines, mais puisque je travaille la nuit, j'ai la possibilité de dormir chez ma mère qui demeure à Bruxelles et de ne prendre la route que le lendemain, frais et dispos.  Ma mère me propose d'ailleurs bien gentiment de passer la nuit chez elle, ce qui serait plus prudent.
Cependant, allez demander à un jeune gaillard en pleine force de l'âge, de rester bien sagement chez sa mère alors qu'il a aussi la possibilité de rejoindre le lit douillet de sa dulcinée !  La nuit est sereine, c'est une belle soirée calme, pas le moindre voile de brouillard à l'horizon, pas la plus petite goutte de pluie, évidemment pas de verglas. Mon véhicule, un petit Scoopy rouge qui contraste un peu avec ma carrure, est parfaitement en ordre. Je n'ai rien bu d'alcoolisé, cela mérite d'être dit.
Dans ces conditions, il est facile de faire son choix...


Sauf que...


Sauf que les mots de ma mère résonnent dans ma tête avec une insistance qui finit par me paraître démesurée. "Passe plutôt la nuit ici, tu retourneras demain matin à Lessines, c'est plus prudent"... Sauf qu'elle a aussi laissé un petit mot, punaisé sur le mur, répétant la même invitation.  Sauf que, très bizarrement, il y a comme une voix qui m'enjoint de rester à Bruxelles cette nuit.
Oh !  Une voix c'est peut-être beaucoup dire. Peut-être s'agit-il tout simplement de ma conscience, la voix de la prudence, de mon imagination. Sauf que "cette voix" semble presque prendre corps.  Hé quoi ? Je ne vais pas me laisser aller à penser à des histoires d'anges gardiens tant qu'on y est ! Balivernes ! Foutaises !

Mais cette voix, qui n'a rien à voir avec ce que l'on pourrait entendre au téléphone par exemple, est bien distincte, tout à fait articulée et, pour moi, elle est parfaitement audible.  C'est indiscutable à un point tel que je me demande qui et comment on a pu me faire pareille farce.  Il faudrait faire preuve de pas mal d'astuce ou de moyens qui, de toute façon, n'existaient pas à l'époque.

Mais il ne s'agit pas d'une farce et la voix insiste.  Elle insiste tant et plus et devient vraiment envahissante.  Cela finit par résonner dans ma tête "comme dans une cathédrale".  Impossible à ignorer.  Mais mon caractère cartésien, très rationnel, m'interdit de croire à une manifestation quelconque en provenance de l'au-delà.  C'est une théorie qui me paraît par trop invraisemblable.


Sauf que d'évident, le choix initial finit par devenir plus difficile que prévu.  Et sauf qu'il me faut finalement y mettre tout mon caractère intrépide pour braver... pour braver quoi, en fait?  Le destin ? Je ne sais pas.
(...)


Sauf que, entre 1h et 2 heures du matin, je me trouve couché le long de la chaussée, dans l'impossibilité totale de me relever (j'ai essayé, j'y suis même arrivé, j'ai enfourché ma mobylette qui n'avait pratiquement pas une égratignure, puis cela a été le vertige et la syncope).  Je venais de me faire heurter par un camion. Le conducteur a klaxonné Dieu seul sait pourquoi puisque je circulais sur la piste cyclable comme il se doit.  Puis il a pris la fuite. Les routiers sont sympas !

Il m'a fallu attendre longtemps pour que deux automobilistes s'arrêtent enfin (bien d'autres seront passés avant eux, auront fait le détour à côté de moi sans s'arrêter, il y aura eu des appels de phares et même des coups de klaxon, mais personne ne s'arrêtait)  Le froid m'avait envahi progressivement.  Un froid qui n'avait rien à voir avec la température clémente du mois de septembre de cette année.  Pendant le temps que je gisais à terre, j'ai eu tout le temps de comprendre que ce n'était plus qu'une question de temps et que j'allais mourir là, à vingt-six ans.
Pas question de s'apitoyer, ni d'expériences surnaturelles aux portes de l'au-delà pour cette circonstance.  On se sent petit, très petit, tout petit. Il n'y a plus de sorteur ni de dur à cuire qui tienne, rien que l'implacable vérité, le couperet qui est en passe de tomber.

Et lorsque les automobilistes qui auront finalement appelé les secours s'en iront, ou que les pompiers arriveront enfin, ce sera un déluge de "merci" de ma part, avec des larmes et tout le bataclan.

Le diagnostic est sévère: explosion de la rate, hémorragie interne, perforation du poumon, omoplate cassée de même que plusieurs côtes. Durant le mois d'hospitalisation que j'ai passé à Tubize, rien ne me fut épargné : fièvres nocturnes épouvantables dues à plusieurs infections diverses, obstruction intestinale, trois opérations en une semaine, et finalement hépatite.
Là, c'était aussi Terminator, mais c'était la version dans laquelle le robot est en bouillie et se traîne toujours, malgré tout encore fonctionnel.

Il fallait être costaud pour reprendre le boulot de sorteur pour les fêtes de fin d'année.
Mais là n'est pas la question.

Quelle est la conclusion ?
Est-elle qu'il faut toujours écouter ce que dit sa maman...?
Ou que quelque chose m'avait bien mis en garde ?

Pour moi, la question ne se pose pas.  Je n'arriverai probablement jamais à relater exactement ce qui s'est passé, je ne trouverai sans doute jamais les mots corrects pour décrire ce que j'ai ressenti, cet appel à la prudence, ce conseil lancinant "n'y va pas" !  Il n'y a que moi à avoir vécu cet événement aux premières loges... et même sur la scène puisque j'en étais l'acteur principal. Je suis absolument persuadé que quelqu'un ou quelque chose a essayé ce soir là de m'avertir, de m'empêcher d'aller au devant d'un certain destin.
Mais quoi ?  Le destin ne serait-il donc pas inexorable ?  Pourrions-nous donc d'une manière ou d'une autre en changer le cours ?
Désormais, je savais ou j'aurais du savoir que cela devait être possible à condition de pouvoir écouter certaines choses en provenance de l'au-delà. À défaut de pouvoir le qualifier plus précisément.

Si la réalité de cet accident est totalement indiscutable et peut très facilement se prouver, en revanche la réalité de la perception dont j'ai fait l'objet est impossible à vérifier.  C'est sans doute l'un des points les plus frustrants. Ca ne l'empêche pas de demeurer parfaitement authentique !

(1) Bien que ceux qui m'ont connu dans mon jeune temps m'aient souvent considéré comme un bagarreur, il n'en était rien.  Il m'est arrivé souvent de me bagarrer, mais jamais "pour le plaisir" et toujours dans l'optique de "la défense de la veuve et de l'orphelin".  Par exemple afin de défendre un camarade de classe qui se faisait rosser, seul contre plusieurs, ce que je trouvais profondément injuste, surtout qu'il n'était pas costaud. 
Il y avait aussi certaines causes familiales relatives à un surnom que portait jadis ma mère et dont j'ai hérité sans trop savoir comment d'ailleurs.  Cela avait le don de me mettre en boule car en fait c'était une grave insulte à ma mère !
Pour ce qui est de mon passé de commando, une anecdote s'impose car, en fait, j'ai fait mon service militaire dans le service médical - un truc réputé pour être "planqué".  C'est justement à cause de cela et du surnom de "pilule" qui me fut ironiquement attribué plus tard - et aussi du fait que je ne trouvais pas de travail - que j'ai décidé de "rempiler", mais dans du costaud.  C'était l'art de passer d'un extrême à l'autre !
Chose plutôt rare, j'avais été nommé caporal durant mon service.  Nommé, alors que d'habitude on est plutôt "commissionné".  C'est-à-dire, grosso modo, juste pour les derniers mois du service et puis, après, basta !  Non, ici j'ai conservé ce grade dans la suite de ma carrière militaire et qu'est-ce que ça a fait râler !
Pour revenir sur le thème de la bagarre, contrairement à ce que certains s'imaginent les sorteurs ne sont généralement pas là pour la castagne : en principe, ils sont là contre la castagne !  Ils sont là afin d'assurer une soirée festive agréable, dépourvue de fauteurs de troubles.  C'était bien exactement mon optique et, à chaque fois que c'était possible, je tentais de résoudre prioritairement les problèmes naissants au moyen de la psychologie, voire de l'humour.  L'humour est une arme redoutable !

(2) Bon !  Il ne faut rien exagérer !  Je n'étais tout de même pas Musclor !  Mais, tout de même, la pratique assidue et intensive des sports de combat et du sport en général avaient bien dessiné mes pectoraux et j'avais de beaux biceps !  Il n'empêche que c'est la technique et la rapidité qui font la différence.
Et, naturellement, pour qui me voit aujourd'hui, il est parfaitement possible de douter de ce passé sportif et de cette qualité de "sorteur", pourtant absolument exacts.  C'est que, comme tout le monde, on vieillit : les cheveux grisonnent puis blanchissent, on perd en masse musculaire, en condition physique, les lunettes apparaissent et puis mille bobos de l'âge mûr.  On ne peut pas être et avoir été !  Malgré tout cela, même si je ne vaux évidemment plus ma ceinture noire 4è dan (loin s'en faut et avec deux prothèses de hanche j'aurais quelques problèmes avec les mawashi geri, par exemple !), je sais encore y faire en cas d'agression et il vaut mieux se méfier !  Il ne faut avoir peur de personne, mais se méfier de tout le monde !

SUITE (L'après)