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Les fleurs maudites
Nouveau succès pour le
CERPI dans une enquête chez des gens qui tiennent un restaurant à S. en
France, à la limite de la frontière belge (nous préservons la
confidentialité des personnes, pour des raisons évidentes qui sauteront
aux yeux à la lecture de l'article). Ces gens se plaignaient très
curieusement de ce que leurs fleurs étaient systématiquement coupées, de
manière très nette, comme le ferait un fleuriste (légèrement en biseau),
apparemment sans intervention extérieure. Rapidement, la psychose s'installe chez les propriétaires pour de multiples raisons : croyant à une intervention malveillante d'un mauvais plaisantin, ils utilisent une caméra de surveillance sur laquelle ils ne voient rien. Le phénomène persiste. Ils se mettent en planque, à quatre personnes dans le local, dont un détective privé qui a été engagé spécialement à cet effet, toutes les entrées sont surveillées discrètement mais sûrement. On n'entend rien, il ne se passe rien. Mais quand le patron rallume la lumière, il constate le méfait : les fleurs sont coupées, il ne reste que la végétation verte, les feuilles ou les tiges. Aucune trace. Soupçonnant l'activité nocturne d'un rongeur (ou d'autre chose), ils disposent un piège et mettent de la farine par terre afin de relever des traces éventuelles. Peu après, surprise : la farine comporte bien des traces, mais elles sont tellement vagues qu'elles ne veulent strictement rien dire. Le piège n'a pas fonctionné. Mais comme pour narguer les habitants, une fleur coupée se trouve sur la cage elle-même, alors que toutes les autres fleurs sont coupées, comme d'habitude ! Cela commence
sérieusement à faire jazzer : madame a connu un décès l'année passée, des
suites d'une longue maladie, chez un proche et entre temps, a refait sa
vie. Très jaloux, l'ex-compagnon manifesterait-il ainsi sa révolte
d'outre tombe ? Très perturbés, ces
gens s'adressent au CERPI, d'abord par mail, mais les éléments sont
imprécis et il est difficile de se prononcer avec si peu de
renseignements. Les choses restent en l'état pendant un jour ou deux, il y a d'autres choses plus urgentes à traiter. Mais cet après-midi, après une randonnée de seulement 12 km près du stade Leburton à Tubize, on en vient à cette affaire. On visionne les enregistrements vidéo (de mauvaise qualité, dans l'obscurité presque complète. Bisque, bisque, rage : on ne voit rien sur ce truc !) Et le temps passe, à visionner et visionner encore et toujours : rien à signaler. Les habitants, les surveillants apparaissent à l'écran, étonnés de ce que les faits se reproduisent encore, mais pas de coupable à l'horizon.
C'est cependant Mme Vanbockestal qui, la première, remarque d'abord un bizarre
remue-ménage dans les fleurs qui dénote un anachronisme étrange,
contradictoire, dans les photos. Mais rien n'est sûr. On
continue de visionner les cassettes avec une attention soutenue, mais il
y a des heures d'enregistrement. Mais il est rare que ce genre d'animal soit solitaire et, le cas échéant, il ne le reste pas longtemps ! Il y a donc de grandes chances pour qu'il y ait un couple et donc, très bientôt, toute une famille, si ce n'est pas déjà le cas. Il peut y avoir une ou plusieurs galeries où le "machin" a fait un nid et où il se sert des fleurs pour faire un nid douillet. Dérangé en plein ouvrage par un bruit intempestif, un passage dans la rue par exemple, il a abandonné l'un de ses butins sur la cage prévue pour l'attraper et qu'il a négligée. Pas plus bête ! Pourquoi se risquer dans ce curieux truc dangereux pour du simple fromage alors qu'il y a de si délicieuses fleurs, prêtes à l'emploi (la consommation), qui ne demandent qu'un peu d'acrobatie tout à fait à la portée du quadrupède ? Dès lors, l'affaire est claire : surtout dans un resto, il faut s'occuper de ce problème de rongeur(s), vite et efficacement. Ce sera bien plus simple que de se livrer à un exorcisme, dont les rongeurs se moquent d'ailleurs bien, le plus généralement. Lorsque l'on sera certain qu'il n'y aura plus de nuisibles et si les fleurs persistent à vouloir se faire la belle, alors il sera encore temps de voir s'il n'existe pas d'autre explication. Mais dans l'immédiat, M. Vanbockestal leur a téléphoné pour leur dévoiler la nature du problème, et leur dire de ne plus se ronger les sangs, ou de remords... Par contre, il faut se méfier. Bien que rien ne soit sûr et certain, cela pourrait aussi être un "muscardin", un petit rongeur proche du loir, sauf que le muscardin est protégé et que l'on ne peut pas le capturer, le tuer, ni le domestiquer, etc. Si cela devait être le cas, les propriétaires ont intérêt à ce que les choses ne se sachent pas trop. Des rongeurs dans un resto, cela fait déjà mauvais genre, mais si en plus, en voulant s'en débarrasser on se rend responsable d'une infraction, les choses deviennent compliquées... Vous comprenez maintenant pourquoi nous ne révélons pas le nom des personnes, ni celui de l'établissement et d'ailleurs, même la localité est fictive. Allez d'ailleurs savoir si les choses se passent bien en France ! Pour la petite histoire, le muscardin est présent partout en Europe, il est spontané en Angleterre. Pour tout compliquer, à l'instar des lézards, il peut perdre sa queue par autotomie, en cas d'agression. Dans ce cas, l'identification est rendue encore plus difficile. C'est d'ailleurs un rongeur réputé pour être très difficile à repérer. Il est normalement arboricole, mais il peut y avoir des comportements atypiques ou exceptionnels, l'occasion faisant le larron. Et puis, on ne va pas chercher la petite bête !
Photo : la présente photo d'un muscardin est de
Björn Schultz et en GNU free documentation licence, version 2.1, voir : |