Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

Le CERPI et l'affaire des Dames Blanches

Il y a quelques années de cela, Le CERPI fut avisé d’un phénomène très particulier survenant apparemment surtout en France, avec une étonnante récurrence, qui ne laissait pas sinon d’inquiéter la population, du moins de l’intriguer. Les routes de certains départements privilégiés étaient sillonnées de silhouettes blanches que l’on voyait apparaître la nuit. Ces apparitions surprenantes se présentaient comme de curieuses autostoppeuses, peu bavardes en général, qui se caractérisaient par une conversation seulement ponctuée d’un bref avertissement à l’approche d’un virage dangereux. Elles s’évaporaient ensuite mystérieusement en suscitant une perplexité bien compréhensible. S’agissait-il là de fantômes d’un type nouveau ?

Voilà assurément un dossier qui a fait couler beaucoup d’encre, suscité des passions, amené la controverse et contre lequel le groupement belge s’est présenté en adversaire face à ce qui semble bien constituer l’un des plus gros canulars de l’hexagone. Comme nous allons le voir, les choses se sont passées telle une gigantesque partie de ping-pong dans laquelle le CERPI a opposé des arguments d’une logique inattaquable auxquels autant de contre argumentations sont venues se greffer : les opinions se sont faites, mais le mystère demeure.

Le dossier des « dames blanches » comme il fut surnommé, était consistant et volumineux puisqu’il concernait plusieurs centaines de témoignages. Mais face à cette première affirmation, il y avait de quoi se montrer dubitatif. Car si le nombre de narrations d’apparitions fantomatiques est conséquent du côté français, en revanche on ne compte aucun équivalent en Belgique. Pourtant, les fantômes font partie d’une sorte de confrérie universelle qui comporte certes de nombreuses variantes mais dont la présence ne semble épargner aucune contrée, aucun continent. Un autre élément vient conforter le caractère invraisemblable de cette disparité : plusieurs éléments du CERPI sont, par leurs activités professionnelles, amenés à parcourir de nuit comme de jour, de très nombreux kilomètres à travers tout le pays. Au fil des ans, ils ont accumulé un total considérable de kilomètres, des dizaines, des centaines de milliers au bas mot, sans qu’un seul de ceux-ci ne soit émaillé de la moindre observation semblable. Une telle constatation semble sans appel.

Pourtant, si l’on se base sur une carte géographique des apparitions de dames blanches, on note facilement une répartition significative qui voudrait que le phénomène se cantonne effectivement au pays de Victor Hugo et de Guy de Maupassant et semble prendre corps dès que l’on dépasse Quiévrain : 3 témoignages dans le Nord, 3 en Champagne-Ardenne, 9 en Lorraine, 6 en Alsace. Que l’on s’avance ensuite dans toutes les directions et on remarquera une augmentation progressive des faits évoqués : 18 en Picardie, 23 en région parisienne, 10 en Bourgogne et seulement 6 en Franche-Comté, mais si l’on revient vers la Manche on constate un pic de 75 en Haute-Normandie. Si le nombre redescend à 23 en Basse-Normandie, il remonte aussitôt à 75 en Bretagne. Très curieusement, les témoignages diminuent ensuite progressivement au fur et à mesure que l’on se rapproche du sud. Les valeurs deviennent faibles dès l’Aquitaine (7), les choses se confirment dans les Pyrénées (3) et le Languedoc-Roussillon (5). On trouve un certain regain en Provence-Côte d’Azur (14), mais cela s’apparente à l’amélioration qui précède l’agonie puisque la Corse ne compte qu’un seul témoignage.
Faut-il en conclure que la propension de ces phénomènes soit directement proportionnelle à l’activité locale ou au climat ? Certainement pas. En effet, il est clair que ce genre de considérations nous égarerait puisque la région parisienne est fortement peuplée sans incidence réelle sur la fréquence d’apparitions , que les régions situées en bordure de la frontière franco-hispanique font l’objet d’un tourisme intensif qui aurait plutôt tendance à impliquer une neutralité dans les observations et que les routes corses ne se prêtent guère à la densité de circulation[1]. Il faut donc croire que les dames blanches avoueraient une préférence marquée pour l’ouest de la France, ce que semblent confirmer les cas relatés dans les pays anglo-saxons. On pourrait donc en conclure qu’il s’agit d’un phénomène qui trouve son origine au Royaume-Uni pour venir infiltrer le territoire français ou, au contraire, d’une manifestation d’origine française qui s’exporte volontiers dans la perfide Albion. Afin de préserver l’entente cordiale, nous n’épiloguerons pas quant à savoir s’il s’agit de falaises de Douvres ou de fadaises du Louvre et nous bornerons au cas de nos voisins francophones. Le fait qu’une phénoménologie soit étroitement liée à des limites précises ne doit pas nous émouvoir. Nous avons effectivement vu que la vague belge d’OVNI de 89-92 n’avait pratiquement concerné que la partie francophone du pays située entre Ellezelles à l’ouest et Eupen à l’est.

DANS SA GRANDE GÉNÉRALITÉ, LE PHÉNOMÈNE SE DÉROULE COMME SUIT :

Il est minuit. Revenant d’une soirée passée en discothèque, quatre jeunes sont sur le chemin du retour, à bord d’une automobile. La voiture est occupée par deux garçons à l’avant et deux filles à l’arrière. Personne n’a consommé d’alcool. A l’approche d’un lieu-dit où se trouve généralement soit un carrefour soit un virage dangereux, une silhouette blanche surgit de l’obscurité et invite les fêtards à la charger en faisant de l’autostop. Dans la plupart des cas, l’autostoppeuse prend place à l’arrière, entre les deux filles. Dans certains cas, il s’agit d’une vieille dame, dans d’autres d’une jeune fille au teint blafard, elle est parfois complètement emmitouflée à un point tel que l’on distingue à peine son visage. Mais dans tous les cas, l’apparition est toute de blanc vêtue. Il peut s’agir d’une robe de mariée, de vêtements traditionnels très clairs, d’un uniforme blanc et parfois aussi de vêtements sportifs, mais toujours blancs ou très clairs d’où leur appellation de « dames blanches » bien que certains témoignages isolés évoquent le gris. Il semblerait aussi que les apparitions en question soient plus fréquentes en hiver ce qui inciterait plus les automobilistes à se montrer condescendants, mais aussi plus prudents au niveau de la conduite.

L’apparition ne parle pas, ou très peu. Dans une grande majorité des cas, c’est l’un des occupants qui doit s’enquérir de la destination de l’autostoppeuse à moins qu’il ne la cite spontanément en attendant une confirmation de la personne chargée quant à son adéquation. La dame blanche s’enferme dans son mutisme mais plus on se rapproche du lieu-dit, plus elle commence à manifester des signes d’anxiété. Soudain, elle s’écrie : « Attention au virage ! » ou une formule similaire. Le virage est négocié, tout se passe bien, mais les filles se mettent à hurler car la dame blanche s’est volatilisée. Aucune portière ne s’est ouverte, elle a "simplement" disparu !

Les jeunes gens se rendent alors au poste de police pour rendre leur témoignage. Ils apprennent que les agents ne sont nullement étonnés et que cela arrive fréquemment. Parfois, ils leur disent qu’ils sont les énièmes à rapporter les mêmes faits. Ils apprennent ensuite qu’une jeune fille a trouvé la mort dans le fameux virage, il y a plusieurs années de cela.
L’apparition s’assortit parfois de connotations superstitieuses : selon que l’on embarque l’autostoppeuse ou qu’on l’ignore, les conséquences seront favorables ou tragiques, soit dans l’année en cours soit directement.

PREMIÈRE CRITIQUE

Cette narration-type entraîne de nombreuses remarques qui prêchent pour le peu de fondement du cas. En effet, outre qu’il soit déjà bien rare que des jeunes gens qui sortent en discothèque s’en tiennent à la permission de minuit, il a été établi de longue date que cette heure, réputée pour être « fatidique » (Minuit, l’heure du crime ! Minuit, l’heure des fantômes par excellence !) n’entre pas en conformité avec ce que l’on sait des « fantômes ». Il est bon de rappeler ici que l’heure de minuit ne répond qu’à une certaine symbolique obsolète dépourvue de sens. Pour ce que nous en savons, les manifestations fantomatiques seraient complètement indépendantes de cette heure précise et pourraient se présenter à toute heure du jour ou de la nuit. Non seulement elles ne seraient pas tributaires d’un moment quelconque mais, de plus, elles pourraient apparaître en tout endroit, que celui-ci soit habité ou pas, qu’il s’agisse d’un bâtiment ancien et délabré ou moderne et confortable. Elles pourraient également se produire en dehors de toute construction, en pleins champs, en forêt, à la plage, bref : partout.

Dans le cas que nous étudions présentement, la récurrence de l’heure de minuit s’annonce donc suspecte, bien qu’elle puisse également émaner de simples coïncidences non rédhibitoires. Par ailleurs, il convient également de signaler qu’il existerait des entités dites « de lieux », c’est-à-dire qui seraient rattachées à un emplacement (ou habitation) donné, souvent en vertu de considérations ou de faits du passé. En revanche, il est rare que l’on fasse état d’entités itinérantes. Cela dit, certaines entités, pour diverses raisons, pourraient aussi suivre une personne. En dehors de l’entité de lieu, ce qui ressort du témoignage-type serait donc atypique.

Un autre point nous fait tiquer dans le modèle standard : personne n’a consommé de boissons alcoolisées parmi les occupants de la voiture et les témoins s’adressent systématiquement à la police ! Ne jetons pas la pierre à une jeunesse au sein de laquelle existent certainement des exceptions mais ne soyons pas naïfs au point d’adhérer aveuglément à telle affirmation. Si l’on considère les quelques centaines de témoignages relatifs aux dames blanches et que l’on s’en réfère au modèle évoqué, dans lequel il faut donc multiplier les témoins par quatre (un schéma dont la généralité est lui-même sujet à caution), on obtient plus d’un millier de personnes qui sortiraient d’une soirée en discothèque et qui seraient donc parfaitement sobres. Encore une fois, sans vouloir se montrer exagérément critiques, il y a moyen de douter de l’authenticité de ce point. Toutefois, s’il faut cumuler le premier point au suivant, les choses deviennent plus difficiles à admettre encore : on se trouverait en présence de jeunes gens particulièrement sobres, respectueux d’une permission devenue draconienne, faisant preuve de serviabilité en répondant aux attentes d’une autostoppeuse et poussant le civisme jusqu’à avertir les autorités ! Or, si l’on se base sur ce qui se dit couramment de telles sorties et des nouvelles générations, il semble que l’on soit loin de rencontrer une telle abondance d’individus exemplaires.

Il est assez évident que si les témoins ont occulté leurs libations alcoolisées, leurs témoignages perdent automatiquement en crédibilité et en fiabilité. Même si la consommation n’a pas été excessive, elle représente toujours un risque dont ces jeunes gens devraient être conscients. C’est-à-dire qu’ils devraient pertinemment savoir qu’en s’adressant à un bureau de police afin de narrer pareille aventure, ils s’exposeraient à l’éthylomètre et à ses éventuelles conséquences, en plus du peu d’intérêt prévisible des représentants de l’ordre pour une histoire aussi abracadabrante. Là où l’on s’attendrait davantage à des délits de fuite, le recours systématique aux autorités afin de signaler des faits dépourvus de préjudice et au cours desquels une personne les aurait mis en garde d’un danger potentiel n’a guère de sens.
Cependant, nous ne pouvons pas non plus rejeter la totalité du phénomène sur base de ces seules remarques préliminaires.

Pour être complets au sujet du modèle, disons encore – pour l’avoir maintes fois constaté par nous-mêmes – que les gens qui circulent à pied durant la nuit sont hélas rarement vêtus de blanc. Que des jeunes s’en allant danser portent des tenues aux couleurs criardes, voyantes ou excentriques, soit ! Pour le reste, nous nous permettons d’émettre, une fois encore, certains doutes. Pour ce qui est de notre dernière remarque, peut-être dira-t-on que nous péchons par excès de sévérité quant aux mêmes jeunes mais la prise en charge de l’autostoppeuse, telle qu’elle est décrite, entraîne de nouvelles remarques : il ne semble que peu logique que l’arrivante s’installe à l’arrière, entre les deux filles ce qui impliquerait que l’une d’elles devrait sortir du véhicule pour la laisser passer. Ce serait d’autant plus illogique que, selon toute vraisemblance, la manœuvre inverse devrait aussi se produire à la sortie. Envisageons cependant le cas où les choses se passent bien ainsi. On peut supposer que les jeunes fêtards ne poussent pas tous le bouchon jusqu’à disposer à chaque fois de voitures spacieuses. Les filles qui encadrent la dame blanche doivent donc parfois aussi être confrontées à une certaine promiscuité qui rend les contacts, même furtifs, prévisibles, voire inévitables en raison des chaos et des virages. Ces contacts devraient donc permettre d’apprécier si la personne chargée est faite de chair et d’os ou si elle n’a aucune substance, comme cela devrait être le cas pour un fantôme.

Voilà donc comment, en se basant sur de simples principes de logique élémentaire, on parvient à dégrossir un ensemble de témoignages et à rétorquer que plusieurs éléments viennent à laisser supposer qu’un certain nombre de ceux-ci au moins soient plus que suspects.

PREUVES CONCRÈTES OU ÉLÉMENTS TANGIBLES

Nous l’avons vu, le modèle standard des apparitions de dames blanches s’accompagne d’une superstition. Plutôt que de venir renforcer la réalité du phénomène, cela n’aurait à nos yeux que l’effet inverse. Nous avons trouvé extrêmement peu de cas dans lesquels la menace de conséquences tragiques si le conducteur ignore l’autostoppeuse se vérifie. Cela provient essentiellement de ce que les jeunes témoins se renferment dans un strict anonymat et refusent farouchement que l’on revienne sur l’événement qui les a marqués.

Nous avons bien sûr l’habitude de ce genre de choses. En matière d’inexpliqué, les témoignages se caractérisent non seulement par leur surabondance mais également par le souhait très généralisé que l’on observe la confidentialité. Une autre pierre d’achoppement dans nos études provient du fait que bon nombre de témoignages soient en fait de seconde main. Dans ce cas, même en prenant le cas de personnes dont la fiabilité ne fait aucun doute on peut tout naturellement supposer que le témoignage de base ait été au moins un peu transformé. Une autre tendance, très répandue, vient encore brouiller les pistes : pour quantité de raisons plus ou moins nébuleuses, parfois le simple désir de se mettre en avant ou dans un but financier même indirect, les témoins apprécient le sensationnalisme et, volontairement ou non, s’emploient à amplifier les éléments initiaux qui leur ont été communiqués. Cela se remarque notamment dans la récupération qui s’opère fréquemment sur le Net : on part de faits initialement troublants, de points parfois rigoureusement exacts, mais on les grossit et les dramatise, on y ajoute même de fausses vérités ou de vrais mensonges, souvent très habiles. On a alors une excellente matière à présenter à tout un lot d’internautes spammés mais il ne s’agit que de l’œuvre de petits plaisantins qui aiment alimenter les psychoses, quand leur seul désir ne réside pas tout simplement dans la saturation des messageries électroniques au nom de certaines idéologies.

Ainsi, pour en revenir brièvement au cas du dépeceur de Mons, on a assisté au transfert de la psychose montoise vers la capitale par le biais de chaînes à relayer. On présentait notamment le cas d’une jeune fille qui était allée voir un film dans un grand complexe cinématographique de Bruxelles. A son retour sur le parking, elle aurait trouvé une vieille dame qui s‘était réfugiée dans sa voiture (Il faut donc supposer que la jeune fille avait oublié de verrouiller les portes) afin, disait-elle, de se protéger d’une bande de voyous qu’elle avait aperçue et qui la terrorisait. La vieille dame lui aurait demandé une simple faveur qui consistait à la déposer un peu plus loin en toute quiétude. Mais chemin faisant, la conductrice décidément très compréhensive aurait remarqué aux mains de la vieille dame qu’il s’agissait d’une imposture et que la personne qu’elle venait d’embarquer était en fait un homme, grimé et déguisé, mais aussi un dangereux sadique auquel elle n’aurait échappé de justesse que grâce à des circonstances fortuites et beaucoup de chance. Dans le coffre de sa voiture, elle aurait ensuite découvert des sacs poubelles prêts à l’emploi, de même que toute la panoplie du parfait dépeceur. Dès lors, une évidence s’imposait d’elle-même : le serial killer diabolique de Mons sévissait désormais à Bruxelles ! Ou bien y trouvait-il un alter ego.

Faut-il le dire, toute cette histoire ne reposait sur aucun fait avéré. Elle illustre cependant fort bien le besoin qu’éprouvent de nombreuses personnes de colporter des informations complètement fausses, mais l’incidence de telles manœuvres est très sournoise. Même si de nombreuses personnes font fonctionner leur libre arbitre et se retranchent derrière un scepticisme prudent, il en existe d’autres qui tombent dans le panneau et leur paternalisme les poussent à avertir la multitude. Dès lors, le mal est fait et le procédé fait tache d’huile. Il semble ici indispensable de clore cette parenthèse en rappelant que la seule réaction valable face à de tels agissements reste de ne donner aucune suite à ces propos et de ne surtout pas relayer la chaîne à ses correspondants.

Revenons-en donc à nos dames blanches qui, pour mortes qu’elles seraient, n’en ont pas moins la vie dure ! C’est que, en marge de ce que nous venons de dire, certains témoignages font état de preuves concrètes, bien tangibles, qui attirent évidemment notre attention. Si le témoignage suivant reprend, dans un premier temps, les éléments déjà connus, il présente malgré tout un point nouveau très remarquable sur lequel nous allons bien sûr nous étendre :
"Il est 2 heures du matin, 4 jeunes gens, 2 garçons et 2 filles, rentrent en voiture d'une soirée. Sur le chemin du retour, ils prennent en stop une vieille dame. Elle se place entre les 2 filles à l'arrière du véhicule. Alors qu'ils venaient de quitter l'autoroute, l'auto-stoppeuse hurla : "Attention au virage." Le conducteur freina brusquement et se retourna en entendant les 2 filles crier à l'arrière. La vieille dame s'était volatilisée; à sa place il ne restait plus qu'une carte d'identité dont la photo correspondait à l'auto-stoppeuse. Ils s'empressèrent alors de raconter leur aventure à la police. A l'aide de la carte d'identité, ils apprirent qu'elle était morte depuis 15 ans d'un accident de voiture aux alentours de l'endroit où ils la prirent en stop".

Disons le tout de go, un tel témoignage fera immédiatement sourire tout enquêteur de l’étrange qui se respecte d’autant qu’il est précisé plus loin que, comme à l’habitude, de nombreux autres automobilistes ont connu la même mésaventure au même endroit. Au CERPI, cela a provoqué l’hilarité générale ! Si on analyse objectivement la présente narration, on comprend instantanément que l’auteur a voulu authentifier son récit par le biais d’un élément dont la matérialité ne faisait aucun doute. A priori, on ne peut que s’effacer devant pareil argument, corroboré à la fois par la police et dans les faits. En fait, cet ajout au modèle-type détruit bien plus la crédibilité que l’on pourrait accorder au phénomène. Expliquons-nous. Sur des milliers, que dis-je ? des millions de témoignages d’apparitions de fantômes de par le monde, on constate certes toute une kyrielle de possibilités d’influences des manifestations sur les témoins, il peut s’agir de communications qui sont rendues possibles grâce au recours à des appareils relativement sophistiqués ou de simples récepteurs courants, c’est le cas dans la TCI (transcommunication instrumentale) ; on peut assister à des projections de cailloux ou d’autres objets ou à leur déplacement, les apparitions ou présences peuvent être accompagnées de variations de la température ambiante, de l’intensité du champ électromagnétique, de phénomènes lumineux, de courants d’air, voire de sensations tactiles ; des séances de spiritisme permettent parfois de déterminer le nom d’un interlocuteur de l’au-delà (il convient toutefois de se montrer très prudent face à telle affirmation car la vérification doit faire l’objet de recherches approfondies), l’arsenal des interactions est très étendu, mais on a beau consulter à ce sujet une armée entière de médiums aguerris on n’en trouve pas un seul qui connaisse un cas dans lequel une entité aurait laissé sa carte d’identité ! Le fait paraît hautement absurde, un peu comme si lors d’une apparition mariale, la Vierge laisserait sa carte de visite !

Mais soit ! Montrons-nous bons joueurs et, puisque nous sommes malgré tout dans un contexte de phénomènes inexpliqués, admettons de bonne grâce que ce soit le cas : la carte de d’identité de l’apparition a bien pu être récupérée… Quelle devrait donc être la réaction des parents du défunt en constatant que cette pièce aurait disparu des souvenirs qu’ils conservaient précieusement ? Si celle-ci n’a pas disparu, comme on pourrait s’y attendre afin de justifier le phénomène, il faudrait donc croire que ladite carte se soit dédoublée et qu’elle existe donc désormais en deux exemplaires ! Dans cette éventualité, on n’aboutit pas forcément à une impossibilité manifeste. Les parents du défunt peuvent ne pas avoir conservé sa pièce d’identité et s’en être débarrassés puisque désormais inutile. Plusieurs possibilités se présentent qui font que les choses puissent rester vraisemblables. Mais dès que l’on nous fait remarquer que de nombreux automobilistes ont subi la même mésaventure, cela devient totalement indéfendable. La raison en est très simple : puisque chacun agit de même, au bout d’un certain temps la police se trouve en possession d’une quantité égale de cartes d’identité de la même personne. Imaginez la tête de ce policier qui aurait entre ses mains une liasse de 75 cartes d’identité d’un même individu ! Cela ne tient évidemment pas debout et, en l’occurrence, la police n’aurait pas manqué de signaler ce fait extrêmement incroyable et singulier, qui figurerait dans les annales comme preuve d’un fait hautement mystérieux. Inutile de préciser que l’on n’a assisté à rien de tel.

AUTRES INVRAISEMBLANCES

Examinons à présent le cas de Palavas en citant une coupure de presse :
"Le 20 mai 1981, quatre jeunes montpelliérains âgés de 17 à 25 ans vers 0h30, après s'être promenés sur les quais de Palavas et avoir bu un coup, aperçoivent sur le bord de la route, une auto-stoppeuse d'une cinquantaine d'années portant un imperméable ainsi qu'un foulard blancs. Ils lui proposent de l'amener jusqu'à Montpellier. Elle ne répond pas mais opine de la tête, monte à l'arrière, et s'assied entre les deux passagères. La voiture repart. La mystérieuse auto-stoppeuse ne dit toujours pas un mot. Un kilomètre après, elle s'exclame "Attention au virage, attention au virage !". Le conducteur, surpris, lève le pied, et passe le virage sans encombre. C'est alors au tour des passagères de crier : le mystérieux personnage a disparu ! La voiture roule toujours à 90 km/h, les portes fermées... D'abord abasourdis, les quatre amis décident d'aller tout raconter à la police. Qui, après avoir cru à une plaisanterie, se rend sur place, sans rien trouver ! Plusieurs convocations plus tard, la police, comme toute s les personnes qui les interrogent, concluent à la sincérité des jeunes : leurs témoignages ne se contredisent jamais, ils ne s'intéressent pas au spiritisme ni à aucun sujet de ce genre... Enfin, ils évitent tant que possible de parler de cette affaire. (La Gazette de Montpellier, 21 juillet 1995)".

Dans le cas présent, le caractère suspect du témoignage paraît moins évident. C’est pourtant tout en restant confortablement assis à son bureau, devant son ordinateur, que l’un de nos enquêteurs remarque de nombreux points qui remettent tout en question :
On semble ici confrontés à un cas attesté à la fois par la police et un journal local. Mais ne perdons pas de vue que si l’article émane soi-disant de la Gazette de Montpellier, en revanche c’est du Net qu’il provient et donc d’un site ou d’un blog, ou encore d’un forum qui a relayé l’information. Donc, le texte initial a pu être modifié. Mais comment s’en rendre compte sur base d’une source indirecte, si facilement falsifiable ? Il existe des éléments déterminants : la manchette fait mention d’une date, celle du 21 juillet 95, or les faits remonteraient au 20 mai 1981. On ne peut pas vraiment parler de nouvelles fraîches. Il serait intéressant de pouvoir dégager cet écrit de son contexte. On ne dispose toutefois pas de l’exemplaire original.

Nous tiquons sur le pluriel employé pour le verbe « conclure », que le journaliste écrit « concluent » alors que le sujet se trouve être au singulier : c’est la police qui conclut et on ne peut pas y adjoindre « toutes les personnes qui les interrogent ». Soit ! Il peut s’agir d’une faute d’orthographe, coupable pour une gazette mais l’erreur est humaine. Le début de la phrase suivante, qui commence par « Qui… » est malheureux. Il y a là aussi matière à critique quant à la rédaction. Il aurait été plus judicieux d’indiquer éventuellement « laquelle ». Un journaliste professionnel aurait plutôt tout rassemblé en une seule phrase. Il s’agit bien sûr de détails, malheureusement ceux-ci ne sont pas en faveur d’une authentification.

Nous rencontrons les invraisemblances traditionnelles dans lesquelles les jeunes s’adressent spontanément à la police alors qu’ils n’ont subi aucun préjudice, simplement pour signaler une autostoppeuse qui aurait disparu de leur véhicule, ce qui a en effet toutes les chances d’être pris pour une plaisanterie. Mais nous nous permettons de croire qu’il soit encore plus utopique d’imaginer que la police allait se rendre sur les lieux alors qu’elle savait que la personne avait disparu. Qu’aurait-elle espéré trouver : un corps ? Cela ne correspondrait pas au témoignage qui stipule que « le mystérieux personnage » a disparu dans le véhicule, alors que toutes les portières étaient fermées. Mais c’est loin d’être tout. Nous sommes bien obligés d’imaginer que la gazette se soit permis une adaptation littéraire du témoignage initial car, dans la réalité, il n’est pas du tout vraisemblable qu’un jeune s’écrie « Le mystérieux personnage a disparu ! » Cela ne fait partie ni de son vocabulaire habituel ni d’expressions courantes probables. Mais continuons : l’article explique que « les témoins évitent tant que possible de parler de cette affaire ». Voilà qui est étrange. Si l’on ne veut pas que les choses se sachent, c’est un mauvais réflexe que de s’adresser à la police. De jeunes adultes devraient savoir qu’ils s’exposent à une récupération de la part de journalistes. En tout état de cause, ils ont manifestement échoué puisque leur histoire a inondé le Net ! Nous n’irons pas plus loin à ce sujet, cela paraît douteux mais accordons précisément le bénéfice du doute. Voyons plutôt la narration des faits.

Dans ce cas-ci, les témoins ont bu. Cela contredit le modèle-type et ne favorise aucunement l’authenticité du témoignage. Cela dit, nous avons déjà signalé à ce propos que l’on ne pouvait pas rejeter en bloc la totalité des récits sur base de ce seul point. Mais c’est la suite qui s’avère encore plus critiquable : la vieille dame crie son avertissement répété, le virage est négocié sans encombre et l’instant d’après, c’est la disparition. Tout cela se passe donc très rapidement, mais le véhicule est toujours à 90 km/h ! Soyons logiques : si un être quelconque, qu’il soit mystérieux ou pas, avertit de la dangerosité d’un virage, on peut supposer qu’il a de bonnes raisons de le faire. Autrement, il exposerait le conducteur à un freinage intempestif. Dans l’optique du témoignage, le danger que représente le virage en question est bien réel puisque l’autostoppeuse y aurait trouvé la mort. Ce point n’est porté à leur connaissance qu’ultérieurement mais confirme le danger de la manœuvre. Il y a donc tout lieu de croire que le conducteur, qui est passé sans encombre, ait ralenti suffisamment. Malgré cela, alors que la disparition est instantanée, la voiture roule toujours à 90 km/h… Poursuivons donc en toute logique en ajoutant que le véhicule aurait donc du descendre très largement en-dessous des 70 km/h et, en très peu de temps, remonter à 90. Pour que cela soit possible, il faudrait disposer d’un véhicule très puissant, au volant duquel se trouverait un chauffeur à la conduite assez agressive, mais surtout qui aurait complètement négligé les cris des passagères. En entendant les filles crier et évoquer un phénomène mystérieux, le réflexe attendu aurait été de ralentir et non d’accélérer. Or donc, si j’ose dire, tout ceci tient très peu la route !

Certains témoignages ne résistent pas non plus à l’enquête si on l’envisage sous un autre angle. Dans un cas au moins, on assiste au même type de narration, en tout point semblable sauf que, pour une fois, on s’en tient aux éléments principaux traditionnels. Il n’y a pas de petit plus « pour faire plus vrai ». Le récit semble plausible et pourrait se mettre au crédit des amateurs de dames blanches. Mais le CERPI a pour habitude sacro-sainte de ne rien laisser au hasard. Il vérifie donc systématiquement toutes les informations, à outrance. Malgré tout, certains éléments parviennent parfois encore à passer entre les mailles du filet. Mais pas cette fois.

Les faits dataient de 1968. La route indiquée se situait près d’un centre hospitalier situé dans le Calvados. Comme pour ajouter à la crédibilité des faits, on peut imaginer que la dame blanche soit, dans le cas présent, la manifestation désincarnée d’une infirmière qui aurait travaillé là jadis. Pas de chance pour les témoins : après vérification, l’hôpital a ouvert ses portes en 1970. En 1968, les automobilistes circulant à proximité ne pouvaient que rencontrer des chantiers, des grues , des voies en travaux encombrées de matériel. Ce n’est qu’en accordant une solide entorse au témoignage tel qu’il est décrit que les faits auraient eu une chance de se produire. De toute évidence, soit les témoins ont inventé leur histoire de toutes pièces, soit ils se sont trompés dans la chronologie des faits. C’est évidemment possible , mais nous ne pouvons pas accepter le témoignage comme tel, en la forme.

DISPARITION D’OBJETS

Dans les affaires de dames blanches, les variantes sont parfois très imaginatives ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles soient plus vraisemblables. Nous avons vu qu’il arrivait que la rencontre avec l’une de ces entités spectrales s’accompagnait, dans certains témoignages, de l’apparition de certains objets comme la carte d’identité. Il semblerait que l’on doive plus précisément parler de substitution puisque l’objet apparaît alors que son propriétaire, lui, disparaît. Parfois, c’est l’inverse qui se produit. Ainsi, dans la surabondante documentation présente sur Internet, nous constatons un cas dans lequel un Internaute parti à moto à la recherche aventureuse de cette fameuse dame blanche aurait parfaitement réussi à apercevoir le fantôme faisant l’objet de sa convoitise. Naturellement, il ne sera pas possible d’identifier la personne ni de dater l’événement, tout au plus pourrait-on le situer comme étant voisin de l’hôpital de Caen, lequel fait effectivement souvent parler de lui en la matière. Il s’agit donc une fois de plus d’un récit de seconde main et donc sujet à caution mais examinons-le malgré tout.

Dans le cas présent, le motard embarque effectivement l’autostoppeuse au lieu-dit. En raison du froid matinal, il lui prête son blouson pendant le transport. Comme de fait, la dame blanche disparaît mystérieusement après l’avoir averti d’un virage particulièrement dangereux. Cependant, le blouson a alors suivi le même chemin que la supposée défunte et c’est bien sur sa tombe que l’on retrouvera ledit vêtement.

Au CERPI, nous avons pour habitude de ne pas rejeter les témoignages, même lorsqu’ils semblent farfelus, parce que nous partons du postulat selon lequel les manifestations paranormales ou surnaturelles sont forcément invraisemblables et que c’est précisément pour cela qu’on nous consulte. Néanmoins, nous ne consommons pas de champignons hallucinogènes et nous constatons que la simple logique s’avère le plus souvent bien suffisante que pour débroussailler les ébauches d’énigmes de ce genre. Analysons donc objectivement ce témoignage :
Supposons que la dame blanche existe. En tant que fantôme, elle dispose de certains pouvoirs qui lui permettent de se manifester ou de disparaître plus ou moins à volonté, même si cela respecte un scénario qui paraît immuable. Il n’est toutefois dit nulle part qu’elle emporte avec elle tout ce qu’elle touche lorsqu’elle disparaît. Il n’y aurait donc aucune raison pour que le blouson suive le même chemin. Essayons cependant d’abonder dans le sens du mystère et extrapolons, ce qui –remarquons-le, va à l’encontre d’un raisonnement rationnel. Nous accordons donc abusivement une valeur de réalité au phénomène, une manière de lui donner toutes ses chances quant à une authentification éventuelle. Dans ce cas, évidemment, si le récit aboutit sur une démonstration par l’absurde par exemple, le corollaire voudrait par conséquent que l’affaire soit définitivement entendue. Imaginons donc que le pouvoir de la dame blanche s’étende bien à ce qu’elle touche, ce qui expliquerait la disparition du blouson. Dans ce cas, puisqu’elle est montée à l’arrière de la moto et que l’équilibre de l’ensemble voudrait que la passagère s’accroche à son pilote, c’est le véhicule, le pilote et le blouson que l’on aurait du retrouver sur la tombe de la défunte ! Bien évidemment, ce n’est pas le cas, faut-il le dire ! Dans les cas traditionnels au cours desquels la dame blanche monte à bord d’une voiture, sa disparition entraînerait alors logiquement celle de l’auto et de ses occupants. Dans le meilleur des cas, comme nous avons établi qu’il devait y avoir des contacts entre l’apparition et les occupants situés à l’arrière, on devrait s’attendre à ce que les vêtements des passagères soient également atteints, ne serait-ce que partiellement. Or, on ne remarque rien allant dans ce sens. Le caractère sélectif des disparitions se présente donc comme parfaitement illogique et irrationnel, même si on l’envisage sous l’optique paranormale. Bien conscients de ce que ce type de raisonnement pourrait rencontrer comme objections de la part des partisans de la dame blanche, nous avons voulu en avoir le cœur net et l’une des meilleures solutions en l’occurrence résidait dans le fait de s’adresser aux autorités locales. Nous avons donc téléphoné à la police de Caen afin de savoir s’ils confirmaient que des plaintes auraient été déposées dans ce cadre particulier. Nous avons bien expliqué qu’il ne s’agissait pas uniquement du cas isolé d’un motard mais bien de disparitions sporadiques qui auraient lieu dans la région. La réponse de notre interlocuteur a été pleinement édifiante et nous avons apprécié son humour.

« Des disparitions de dames blanches dans la région ? Non ! Nous avons bien des dames noires qui sont embarquées dans des fourgons blancs, ce sont des prostituées du coin, mais pas de dames blanches. Il y a bien eu des disparitions de personnes, il s’agissait de deux homosexuels, mais cela n’entre pas dans le cadre des descriptions d’événements tels que vous relatez. Pour répondre au deuxième volet de votre question, non : nous ne recevons aucune plainte de particuliers quant à des disparitions mystérieuses. Ni maintenant, ni dans le passé, nous n’avons reçu ce genre de plaintes… »

Si les témoignages se terminent systématiquement par le dépôt d’une plainte comme il est stipulé dans les documents que nous recevons, en tous cas les autorités ne le confirment aucunement et ceci nous paraît hautement significatif quant à l’hypothèse d’une simple légende urbaine.

LA DAME BLANCHE S’ÉCHAUFFE

Si l‘on considère à présent le cas du carrefour de Balleroy (encore dans le Calvados) dans la forêt domaniale de Cerisy, on constate l’une ou l’autre nouveauté par rapport au modèle standard. Il n’est pas utile d’imposer ici au lecteur une lecture supplémentaire quant à un récit qui, la littérature mis à part, ressemble aux autres, qui n’est de toute façon pas daté avec précision et ne comporte aucune coordonnée des témoins. Ce n’est hélas que trop souvent le cas mais c’est malheureusement aussi trop facile. Contentons-nous donc de citer les éléments qui sortent du lot : le carrefour aurait été refait plusieurs fois sans que cela ne change quoi que ce soit au phénomène, lequel persiste et signe donc. Nous nous permettrons de plagier Rudy Cambier[2]en disant que « nous parierions bien nos chevaux, nos selles et nos bottes » que les autorités communales se soient probablement bien plus souciées de la dangerosité des lieux que des apparitions de dames blanches éventuelles, mais peu importe. Cette apparition, dont les manifestations remontent aux années 1960, mettent en scène une entité spectrale immaculée de blanc et d’une vingtaine d’années tout au plus. Jusque là, il n’y a guère de différence avec ce que l’on nous a servi jusqu’ici. Sauf que ladite jeune fille ne se manifeste que par nuits pluvieuses et que « récemment » elle se soit montrée plus agressive. Prenons connaissance du passage de ce témoignage :
« Sa dernière manifestation a été plus spectaculaire encore que les précédentes. Les deux habitants de Balleroy qui l'ont, cette nuit-là, éclairée de leurs phares l'ont vue non plus inactive, debout sur le bas côté, mais debout au beau milieu de la route. Il leur fallut piler net devant ce qui se révéla être encore la même jeune fille, dont la forme s'évanouit dès les portières ouvertes. A force de n'être pas entendue ou comprise, depuis près de 40 ans, cette dame blanche, dont l'appel confus semble venir d'un monde inconnu, paraît devenir plus véhémente qu'auparavant... »

Avouons franchement qu’en matière d’agressivité, on a déjà vu mieux. « Massacre à la tronçonneuse » ou même « Scream » étaient un tantinet plus violents. N’empêche, le comportement est effectivement différent car l’entité ne fait plus vraiment de l’autostop. En fait, elle arrêterait plutôt les automobilistes et elle se contenterait de cet exploit puisqu’elle s’évanouirait dès les portières ouvertes. On peut à tout le moins se poser des questions, principalement lorsque l’on sait que dans un cas au moins un docteur aurait été dépourvu de son parapluie, lequel aurait été enlevé et jamais restitué par la belle. Le conducteur l’avait conduit jusqu’à son domicile, comme il pleuvait il lui avait prêté son parapluie. Il était resté devant la porte, dans son véhicule, en attendant de récupérer son bien (Etrange comportement d’un médecin, personnage traditionnellement très occupé, qui attend bien sagement dans sa limousine qu’il arrête de pleuvoir et que son autostoppeuse revienne lui donner son pépin.) Comme elle ne revenait pas, le toubib était allé sonner à la porte mais avait été reçu par les parents de la fille qui ne purent que s’étonner et expliquer que leur seule fille était décédée depuis plusieurs années. Bien sûr, nous nous y attendions, on retrouva le parapluie sur sa tombe. Il faut donc imaginer que tant pour vérifier les dires des personnes (que le médecin devait donc mettre en doute : que n’inventerait-on donc pas pour conserver un bien si précieux ?) que pour rentrer dans ses frais (car, tout de même, l’achat d’un parapluie doit certainement lourdement grever le budget d’un généraliste…) et, par la même occasion s’enquérir tout à la fois de la beauté des lieux que de la santé de ses pensionnaires, les uns et les autres se sont rendus sur place illico. Il ne reste plus qu’à conclure que les cimetières français soient bien plus sécurisés qu’en Belgique et que les visiteurs soient tous nantis d’une honnêteté sans faille. Chez nous on aurait immédiatement compris que le déplacement s’avérerait inutile ; un quart d’heure tout au plus aurait suffit pour qu’il change de propriétaire et que ce dernier soit bien vivant. Cependant, il faut également tenir compte du fait que nous ne disposons pas de dames blanches en Belgique, sauf dans les restaurants, cela va sans dire !

Entre collègues de la nuit, l’une de ces dames aurait donc pu avoir la serviabilité de prêter son parapluie à sa consœur de garde. Mais redevenons sérieux : il n’y a rien dans le témoignage qui dénote une agressivité particulière, pas même un comportement « véhément ». On est loin de ces vidéos qui pullulent sur le Net, sur lesquelles on voit des automobilistes aux prises avec des autostoppeuses qui se transforment en monstres grimaçants, mi-vampires, mi louves-garous. Dans le cas présent, bien que cela soit pure supposition de notre part, on peut imaginer que ce détail ait été ajouté ultérieurement pour rendre le récit plus effrayant. Plus le temps passe, plus le comportement de la dame blanche est imprévisible et potentiellement redoutable.

Dans ce type de rumeurs ou de légende urbaine, il n'est en effet pas rare que les rapports deviennent de plus en plus alarmistes avec le temps. Il s'agit d'une variante de nature à faire passer le récit comme encore plus crédible. C'est également le propre des rumeurs que d'être amplifiées au fur et à mesure que l'information se trouve colportée. Mais seule une analyse sérieuse et rigoureuse des témoignages peut y apporter une quelconque substance.
Si l’on applique toujours la sacro-sainte logique, comme le phénomène est particulièrement fréquent et que le témoignage date d’il y a quelques années déjà, cela aurait déjà du être confirmé dans les faits. Nul doute que ce soit le cas sur le Net, en revanche, vérifications faites, les autorités ne confirment rien de tel. Mais il est vrai qu’après de nombreuses nuits pluvieuses passées à l’extérieur, on peut s’attendre à ce que nos dames blanches ne soient pas dans leur assiette. Elles ont du prendre froid.

CONTACT AVEC UNE DAME BLANCHE

Avant de clore ce chapitre, il nous restait à examiner les éventuelles possibilités de contacts avec une dame blanche. Ce ne sont pas nos amis français qui nous soutiendront le contraire, lorsque certains mâles aperçoivent une autostoppeuse le long de la route, il leur arrive de ne pas être animés que d’intentions charitables. La perspective d’une aventure sexuelle les effleure et, parfois, ils tentent de passer à l’acte. Il s’agit là d’un phénomène qui ne doit rien au surnaturel et qui est bien présent dans tous les pays du monde. Il n’est guère utile d’épiloguer davantage sur le sujet, chacun sait bien qu’il en est même qui envisagent l’acte en question en guise de paiement de leur transport, pour autant toutefois que le jeu en vaille la chandelle, c’est-à-dire que la distance soit considérable et que le conducteur (ou l’autostoppeuse) ne ressemble pas trop au Bossu de Notre-Dame ou à Alice Sapritch, sauf notre respect pour cette Grande Dame du cinéma, excellente actrice au demeurant… et à ce qui doit en rester à l’époque présente.
Nous avons trouvé, toujours sur le Net, l’un de ces témoignages... Les faits se dérouleraient à Château-Bernard, dans l’Isère, en 1977, mais cela n’a guère d’importance :

« Parfois, des contacts physiques ont laissé une impression bien plus désagréable à ceux qui ont eu l'imprudence de tenter, de toucher ces apparitions. Ainsi, une auto-stoppeuse fantôme se montre volontiers, de nuit, à la sortie de Château-Bernard (Isère). Voilà plus de trente ans que cette jeune femme se manifeste ainsi, ayant pour caractéristique constante de disparaître lentement sous la forme d'un léger brouillard, et non en une fraction de seconde, comme les autres. En 1960, elle fut prise en stop et disparut à un point précis de la route, toujours après avoir prévenu le conducteur d'un danger. Ce qui poussa celui-ci à se rendre à la gendarmerie, c'est qu'il avait été un peu entreprenant avec la jeune femme, lui passant la main sur les jambes et, enhardi par l'absence de réaction, sur la poitrine. Il avait alors remarqué que sa passagère dégageait un froid semblable à celui du marbre. Confus, il avait attribué à ses avances la disparition soudaine de la voyageuse et venait demander si on l'avait trouvée sur la chaussée. C'est là un cas unique de contact physique avec l'un de ces êtres fantomatiques, mais dont les atomes et les molécules semblent être aussi bien liés entre eux que ceux d'un vivant. »

Ici encore, l’analyse logique démontre le caractère invraisemblable du témoignage. Décidément, les témoins se suivent et se ressemblent pour ce qui est du manque d'authenticité ! Certes, tout ceci paraît réel tant on imagine bien l'automobiliste faire des avances à sa compagne improvisée. Jusque là, tout est plausible. Sauf que lorsqu'un homme voit une femme disparaître "progressivement", comme dans un brouillard, il ne doit pas s'attendre à la retrouver sur la chaussée !
Il y a effectivement un trinôme déséquilibré dans sa propre logique :
1)l'homme promène sa main sur l'auto-stoppeuse (c'est du réel)
2)la dame disparaît "progressivement, comme dans un brouillard" (c'est irréel)
3)l'homme cherche la femme, jusqu'à la police (c'est du réel)
Mais l'articulation de cette suite se passe comme si l'homme trouvait cela tout à fait normal - peut-être a t-il l'habitude de voir ses partenaires disparaître de cette manière ! D'ailleurs, il ne se rend pas à la police pour expliquer l'étrangeté du phénomène mais pour s'enquérir de la femme en question. Bien sûr, il s'agit d'une "suite dans les idées" typiquement masculine, axée sur le sexe avant tout, mais il y a des limites, non ? Ne serait-ce pas comme si un homme amenait sa partenaire chez le médecin non pas parce qu'il vient de constater qu'elle est extra-terrestre mais parce qu'elle a le teint vert très pâle ?

Un autre point nous fait également tiquer : le chauffeur entreprenant ne remarque le froid de marbre que lorsqu'il touche la poitrine de la jeune femme. Cependant, il a déjà passé la main sur ses jambes. Doit-on en conclure que celles-ci étaient à température "normale" ? Seuls les seins seraient de glace ? Par contre, il semble tout à fait normal de ressentir un grand froid si l'on touche une... dame blanche !

MAIS ALORS ?

Comme nous venons de le voir, une très grande partie des témoignages peut facilement être écartée, on y trouve par trop d’invraisemblances, d’illogismes, même en se montrant particulièrement tolérant avec les phénomènes. Ici non plus, il ne faut surtout pas se laisser impressionner par la surabondance de récits que l’on peut trouver sur le Net. On se trouve incontestablement devant un phénomène (naturel) dans lequel les webmasters procèdent au copier-coller à tours de bras et donnent ainsi une importance abusive aux manifestations supposées. La valeur de preuve des narrations qui y sont relatées est pratiquement annulée par l’absence de coordonnées, de datation précise et même parfois de localisation adéquate et puis surtout les autorités contactées ne confirment en aucune manière les plaintes qu’elles sont prétendues avoir enregistré. Il existe également nombre de documents vidéo sensationnalistes dans lesquels on peut voir des dames blanches monstrueuses attaquer des automobilistes et leur flanquer au moins une sacrée frousse. Mais ces documents pèchent par les mêmes défauts et sont trop facilement falsifiables. Mais tout cela signifie-t-il que le phénomène relève uniquement de l’affabulation populaire ? Tous les témoins sans exception seraient-ils donc de fieffés menteurs n’ayant pour seul désir que de colporter des rumeurs ou propager une certaine psychose, alimenter leurs sites ou blogs d’informations systématiquement fallacieuses ? S’il convient de dégrossir et de dédramatiser très fortement les choses, il n’est pas non plus indiqué de généraliser abusivement. Comme dans toute légende, dans toute rumeur, on a un feu qui couve. Il doit donc bien y avoir un point de départ, une origine à ces croyances. Il était intéressant de prendre connaissance du phénomène d’origine, à condition de pouvoir le trouver.

Nous l’avons vu, le phénomène de la dame blanche trouve son point culminant en France, en Bretagne et en Normandie. Le premier de ces deux départements est particulièrement riche en légendes mais celle du château de Trécesson, dans la forêt de Brocéliande, introduit un élément qui semble parfaitement convenir. Une jeune promise aurait été enterrée vivante par ses frères, furieux de ce mariage décidé contre leur gré. La pauvre avait eu beau protester et argumenter de son jeune âge, ses bourreaux n’avaient été nullement émus et avaient mis leur plan à exécution devant les yeux terrifiés d’un braconnier qui se cachait dans les fourrés. La légende dit qu’il s’en alla prévenir le Seigneur du château dès qu’il le put et que celui-ci dépêcha derechef ses gens sur les lieux. Ils creusèrent et trouvèrent la malheureuse encore vivante. Dans certaines versions elle se releva même mais pour retomber aussitôt, morte. Dans une autre, elle ouvrit les yeux, poussa un long soupir et s’éteint pour l’éternité. Il est ici important de signaler que la légende précise aussi que la jeune fille fut emmenée sur les lieux dans un grand carrosse emmené par des chevaux noirs. Les personnes qui l’accompagnaient portaient des chapeaux à plumes, tandis que la future mariée portait déjà sa tenue de cérémonie, une belle robe blanche immaculée.

Vraie ou fausse, cette histoire fut très certainement rapportée dans la région et transmise au cours des générations. On peut supposer que, déjà à cette époque, des promeneurs curieux venaient sur les lieux afin de surprendre le fantôme de la défunte. A moins que certains quidams passant par là aient effectivement rencontré une présence fantomatique qui errait sur les terres de son injuste châtiment. Pour autant que l’on admette l’existence des fantômes, ceux-ci sont supposés se manifester, entre autres, lorsque leur décès a fait l’objet d’une tragédie, qu’une mission importante est restée inachevée… Nous sommes donc bien ici dans le type de contexte propre à générer ce genre de phénomène. Peut-être ces manifestations se sont-elles reproduites à l’une ou l’autre occasion, devant des visiteurs médusés qui racontèrent bien sûr leur mésaventure à qui voulait les entendre. Au fil du temps, les voitures ont remplacé les carrosses d’antan et l’idée s’est propagée. La superstition populaire et le besoin de merveilleux ont persisté jusqu’à nos jours et le tout a été fortement amplifié grâce aux moyens de la grande toile.
Mais la Bretagne est aussi terre de fées, de sylphides et autres êtres des forêts issus de la mythologie, si bien que d’autres observations ont pu se produire sur base d’histoires différentes mais aboutissant à un résultat assez semblable. Le reste n’était plus que question d’imagination, de puissance de persuasion et de naïveté. De temps en temps, quelque internaute nous contacte encore au travers de mails qui défendent l’existence des dames blanches. Leurs propos sont laconiques et n’attendent guère de suite de notre part. Ils tiennent à peu près le langage suivant : « Ne riez pas, j’ai vu la dame blanche à… » et le nom de la localité suit. Il n’est pas possible, en l’absence d’un minimum de renseignements et coordonnées de base, d’envisager une investigation sérieuse. Nous ne pouvons consentir à de longs déplacements avec de si faibles arguments. Quand la chose est possible, nous déléguons un correspondant sur place si celui-ci réside dans la région, mais il ne peut être question d’urgence puisque, invariablement – jusqu’ici du moins – le rôle de la dame blanche est plutôt salutaire. Si un fantôme quelconque, même issu de fantasmes débridés, peut éviter des accidents mortels en incitant à la prudence, il s’agit à coup sûr de l’une des premières applications du surnaturel dans laquelle on puisse voir un appui considérable aux plus sérieuses campagnes de sensibilisation. Nous aurions donc mauvais rôle à vouloir en débarrasser la population !

Les légendes se mélangent-t-elles d’aventure au cours des siècles, Voilà qui ne serait pas impossible si l’on en juge de ce qui se dit en Normandie. La région, qui fut envahie par les Saxons et les Vikings transmit longtemps le paganisme et il n’est guère étonnant que certaines de ces idées aient subsisté jusqu’à nos jours. Dans la littérature concernant la Normandie, on trouve notamment l’histoire de la dame de Tonneville, connue de son vivant pour sa beauté, son intelligence, mais aussi pour ses accointances avec le malin. Avec le temps, sa réputation devint de plus en plus terrible et redoutée, elle se livrait à la sorcellerie. Un procès avec des familles voisines se termina mal pour elle, mais avant de mourir, elle repoussa l’intervention du prêtre et préféra Satan. Désormais, il est dit que son âme revient et apparaît à des voyageurs qu’elle prend alors un malin plaisir à désorienter, faire tourner en rond, revenir à leur point de départ après mille détours, voire à leur faire subir certains maléfices.

Ici aussi on peut supposer qu’avec le temps les légendes aient connu des adaptations et des extrapolations, que le brassage des populations ait procédé à un enchevêtrement des croyances et que l’on en soit donc arrivé à cette dualité dans laquelle les interventions de dames blanches peuvent soit être bénéfiques soit au contraire dangereuses ou agressives.
Une telle explication, à propos des dames blanches peut paraître simpliste. Elle ne repose en tous cas certainement sur aucun fondement scientifique, ni même seulement rationnel. Elle a seulement la prétention de donner une possibilité d’origine lointaine à ce qui est devenu une légende urbaine, certes tenace, mais dépourvue de toute réalité objective.
Ceci illustre une fois de plus combien les véritables phénomènes surnaturels ou paranormaux sont rares et à quel point les témoignages ont tendance, si on veut se donner la peine de les étudier sérieusement, à fondre comme neige au soleil.
Rarement comparaison pouvait être aussi opportune dans tel contexte.

ENQUÊTE FOUILLÉE AVEC TEMOIGNAGES ET ÉTUDE DU CERPI

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[1] Si vous n’avez pas encore visité la patrie de Napoléon, je vous invite à combler cette lacune dès que possible. Vous y découvrirez un pays éblouissant de beauté naturelle et sauvage, des paysages à couper le souffle. Mais aussi des routes à l’état déplorable. Si vous êtes friand de sensations fortes, prenez donc un taxi, surtout en montagne.
[2] Rudy Cambier est désormais un personnage célèbre de la région d’Ellezelles pour avoir vu clair dans les centuries de Nostradamus, avoir aussi compris les écrits d’Yves de Lessines en rapport avec le trésor des Templiers, et même situé l’endroit exact où il se trouve. Philologue polyglotte de talent, sympathique et l’humour à fleur de peau, il a éclaboussé son savoir dans un livre qui mérite d’être lu. Voir le Tome 1. (L'oeuvre du vieux moine")

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