Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

L'auberge rouge - 3


IV – Hypothèses

Les aubergistes de Peyrebeille étaient-il coupables ou innocents ? Il est impossible et inutile de répondre à cette question. Par curiosité, nous pouvons cependant explorer d'autres pistes.

1) Laurent Chaze se trouvait à l'auberge du Coula le 12 octobre 1831. Cela semble évident. Il donne des indications sur Jean-Antoine Enjolras, ce qui tente à prouver que la victime s'y trouvait aussi. Son témoignage est confus cependant. Le temps et l'alcool sont venus à bout des détails. Laurent Chaze était un affabulateur et il manquait d'instruction. Il parlait probablement occitan (langue régionale) alors que les audiences de la Cour d'Assises se déroulaient en français. La communication était complexe et la vérité difficile à établir. Revenons sur son témoignage :
- Laurent Chaze a vu les aubergistes forcer la victime à boire le contenu d'un pot puis l'assommer et évacuer le corps. Dans son article, «Étaient-ils coupables ?», Maître Malzieu envisage la possibilité d'une mort naturelle pour Jean-Antoine Enjolras. Le liquide bouillant servi par Marie Breysse serait alors une tisane sensée soulager le malade. Enjolras serait décédé malgré les soins prodigués. Les aubergistes auraient paniqué et tenté de faire disparaître le corps. Conscients de leur erreur, ils se seraient ensuite enfermé dans le mensonge.
- La scène se déroule dans la grange. Il fait nuit et le lieu n'est pas éclairé. Les meurtriers oeuvrent à la lumière d'une lampe mais Laurent Chaze n'ose pas les regarder de crainte d'être repéré. D'autres personnes ont pu s'introduire dans l'établissement et tuer Enjolras. Reste à expliquer le mobile et la disparition du corps.
- Enjolras avait rendez-vous le lendemain. Il a pu quitter l'auberge de bonne heure et faire une mauvaise rencontre. La région était infestée de brigands.

2) De par les standards d'aujourd'hui, le procès Peyrebeille est scandaleux. La Cour a longuement évoqué des affaires prescrites dans le but d'influencer les jurés. Seulement dix-sept témoins ont été cités par la défense alors que des témoignages invraisemblables ont été enregistrés à charge. Le Président s'est permis de reprendre la parole après les plaidoiries, ce qui s'apparente à un second réquisitoire. Pourquoi un tel acharnement ?
- Le pouvoir en place à besoin de boucs émissaires auxquels imputer les exactions consécutives à la Restauration. Le peuple ne demande qu'à croire en l'existence de monstres sanguinaires. La presse se délecte de l'affaire. L'acquittement des aubergistes aurait remis en cause le travail de la justice et celui de la gendarmerie. C'était inenvisageable.
- Les historiens qui se penchèrent sur l'affaire Peyrebeille se heurtèrent à un gros problème d'archivage. Le dossier a disparu de la Cour d'Assises. Les actes 172 et 231 de la liasse BB2069 où se trouvaient les comptes rendus des séances de la Cour d'Assises ont également disparu des archives du greffe de Privas. Une note manuscrite stipule qu'ils seraient entre les mains de Monsieur Boiron, inspecteur primaire. Disparition également, au greffe de la justice de paix de Coucouron, des documents relatifs au dossier. Sans ces documents, toute révision du procès devient impossible.
Les documents disparus contenaient-il des informations non divulguées lors du procès ? Mettaient-ils en cause d'autres personnes ? Aucune enquête n'a été ouverte contre les aubergistes avant la disparition de Jean-Antoine Enjolras. Le couple Martin et leur domestique étaient-ils protégés ? Le 25 octobre 1831, le Juge Filiat-Duclos fouille l'auberge de Louis Galland et ne s'arrête pas à l'auberge du Coula. Pourquoi ?

V – L'après Peyrebeille

Les époux Martin ont vendu leur établissement à Louis Galland qui l'a revendu à Chacornac. L'auberge est toujours debout et n'a que peu changé depuis l'époque des faits. Elle est ouverte à la visite depuis le milieu du XIXème siècle et abrite aujourd'hui un musée. Le mobilier et les décors de l'époque ont été conservés. Le four «crématoire» a été partiellement détruit mais l'entrée est encore visible. Un monticule de pierre, devant le bâtiment, indique l'emplacement approximatif de la guillotine.
En 1925, Reynaud, propriétaire de l'auberge du Coula, intente un procès aux propriétaires de l'auberge construite par Pierre Martin. Chaque auberge se revendique la vraie auberge de l'affaire. La justice donne raison à la seconde car c'est en ce lieu que se déroulèrent la majorité des crimes supposés. La «véritable» auberge du Coula ferme ses portes. Elle n'est plus signalée de nos jours. L'auberge construite par Pierre Martin devint «l'authentique» auberge de Peyrebeille.

Libre, André Martin ne fit plus parler de lui.
En revanche, d'autres membres de la famille Martin eurent des démêlés avec la justice. Joseph Martin, cousin d'André, tua la jeune Anne Belin à Lanarce. Condamné à mort, il fut guillotiné le 31 juillet 1852 à Privas. Une dizaine d'années plus tard, Pierre Martin, un autre cousin d'André, fut condamné aux travaux forcés suite à de nombreux vols de vaches. Souvenons-nous que deux des frères de Pierre Martin étaient des bandits. La criminalité est-elle génétique ? Les scientifiques de l'époque estiment qu'elle est plutôt morphologique. Ainsi, les têtes de Marie Breysse, Pierre Martin et Jean Rochette furent moulées par le Docteur Reynaud. L'objectif était d'étudier le profil physique d'un tueur.

Les crânes sont conservés au musée Crozatier du Puy-en-Velay.

La tradition orale veut que Allard, bandit de grand chemin, ait fait halte à Peyrebeille. Familiarisé avec la truanderie, il comprit rapidement les sombres desseins des aubergistes. Il vola ses hôtes et quitta l'auberge précipitamment.
Une cinquantaine d'années après les faits, Paul d'Albigny publie «Le coupe-gorge de Peyrebeille». Pour la première fois, la culpabilité des aubergistes est remise en cause.
Théâtre et littérature s'intéressent à l'affaire Peyrebeille. Les faits sont tragiques et pourtant, c'est la comédie qui s'approprie l'histoire. Les trais des protagonistes sont grossis et les faits dénaturés. En 1951, «L'auberge rouge», film de Claude Autant-Lara, remporte un vif succès. Marie Breysse, interprétée par Françoise Rosay, confie ses crimes à un prêtre de passage, interprété par Fernandel. Le prêtre tente alors de sauver les clients de l'auberge. Le prêtre et son novice n'ont pas existé.
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Chronologie de l'affaire

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