Ces étranges trous dans l'eau... ou trous dans la mer

Il n'y a rien de vraiment étrange à un trou. Si l'on se base sur une très ancienne blague, la définition d'un trou se limite à "c'est rien, avec quelque chose autour" ! C'est évidemment humoristique et très réducteur, surtout si l'on considère certains trous, qui ont tendance à défrayer la chronique de ces dernières années, en rapport avec les phénomènes inexpliqués. Il est vrai que certains témoignages, parfois accompagnés de vidéos impressionnantes, laissent songeur et ne lassent pas de poser des questions. En effet, de nombreuses personnes ont pu remarquer que, sans aucune raison apparente, des trous gigantesques se formaient parfois, dans l'eau, par exemple au milieu d'un lac ou même en pleine mer. La soudaineté de l'apparition mais aussi ses dimensions et la difficulté d'y apporter une quelconque explication, justifient le caractère mystérieux de ces phénomènes. Une petite vidéo valant mieux qu'un long discours, il vous suffit de jeter un coup d'œil sur la séquence ci-contre. Il faut avouer que ces images, disponibles directement à partir du Net ont quelque chose d'incompréhensible. Les choses se passent un peu comme si l'on était subitement en présence d'un tourbillon comme lorsque l'on vide une baignoire. Seulement voilà, on ne vide pas un lac, la mer ou l'océan, simplement en enlevant le bouchon !

Les choses, nous l'avons dit, prennent parfois des proportions alarmantes, se déroulent devant des témoins médusés. Quant à trouver des explications... c'est une autre paire de manches!
Mais des explications, nous en avons trouvé. Il n'y a rien de mystérieux là-dedans, pas de soucoupes volantes marines, pas de monstre du Loch Ness ou d'Atlantide, mais tout de même un phénomène peu courant et au nom souvent inconnu du commun des mortels, qui donne lieu à d'autres encore, plus étonnants les uns que les autres, d'accord, mais toujours aussi terre à terre, du moins si j'ose dire.

Il s'agit en fait de dolines.

Mais qu'est-ce qu'une doline ?

Une doline est un phénomène naturel au cours duquel des roches calcaires sont dissoutes par des eaux de pluie par exemple (ou une quelconque acidité localisée) alors que, en sous-sol, se trouve une cavité, ou pas. Il est évident qu'il puisse y avoir plusieurs types ou variétés, disons de "variantes" de formations de dolines, mais cela ne change pas grand chose à notre sujet.

Les dolines ne se forment pas exclusivement dans l'eau, mais à peu près partout dans le monde et tout endroit est donc susceptible de générer une doline, une manifestation qui peut donc s'avérer très dangereuse dans le cas où, par exemple, il survient dans un endroit habité. On imagine évidemment ce qui se passe lorsqu'une doline se forme sous une maison! Des exemples frappants de formations de dolines ont été portés à la connaissance de tout un chacun et cela a notamment été le cas au Guatemala où un trou de soixante mètres de profondeur s'est subitement produit en pleine ville, faisant disparaître du même coup plusieurs immeubles.

Le phénomène est donc assurément étrange, peu courant, certes, mais nullement mystérieux, répétons-le puisque toute une espèce de psychose s'est développée autour de ces manifestations surprenantes. Ce qui est tout aussi étonnant d'ailleurs, c'est que l'ensemble des explications concernant les dolines se trouve sur le Net, dans les livres, notamment un dernier sorti destiné à l'amusement et l'édification des enfants quant aux dangers naturels (lesquels sont évidemment nombreux : les bêtes féroces ou venimeuses, les tremblements de terre, inondations, tsunamis, éruptions volcaniques, la foudre, etc.) et puis, désormais : dans le site du CERPI. Mais il est vrai que le mot ne se trouve habituellement pas dans le vocabulaire courant. Une doline ! Une quoi ? Une colline ? Hé bien non : une doline... Ah bon ! Il y a peut-être une raison étymologique à cela, c'est que le terme doline est d'origine slave (dolina : vallée en serbe, slovène, slovaque et en russe), comme le mot «karst», plateau calcaire situé en Slovénie, autour de Trieste. Il fait référence aux reliefs de la région qui s'étire des Alpes juliennes au Kvarner. Selon l'essayiste et écrivain italien Claudio Magris, les dolines y ont une végétation luxuriante, en comparaison aux pentes venteuses et neigeuses du Monte Nevoso. Car, en fait, de nombreuses dolines se forment un peu partout dans le monde, sans que l'on n'y prête particulièrement attention et ce pour des raisons aussi multiples qu'évidentes: par exemple cela se passe dans la nature, dans des régions désertiques où cela ne suscite évidemment que très peu de médiatisation, d'autre part, elles sont loin d'êtres toujours aussi impressionnantes. Il peut donc tout à fait arriver que se forment des dolines de dimensions très modestes qui n'affectent donc guère le paysage et que les paysans qui y travaillent la terre ne s'en émeuvent pas outre mesure. Les dolines, dans certaines régions plus proches de chez nous, notamment dans le Pas-de-Calais, sont aussi parfois abusivement confondues avec les trous laissés par les explosions qui survinrent lors de la seconde guerre mondiale. Comme nous l'avons aussi expliqué, les dolines se recouvrent volontiers et plutôt rapidement d'une végétation luxuriante qui dissimule donc aussi ces dépressions du terrain. Par contre, dans certains cas, cela peut aussi surprendre le promeneur et le plonger dans une chute éventuellement vertigineuse, ou de peu d'ampleur. Mais on comprend que, dans ce cas, il y aura peu de chances que l'on crie au mystère.

D'après Wikipédia, on pourrait définir la doline de la manière suivante : Une doline est une forme caractéristique d'érosion des calcaires en contexte karstique. La dissolution des calcaires de surface conduit à la formation de dépressions circulaires mesurant de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres. Leur fond est souvent occupé par des argiles de décalcification ou terra rosa (terre rouge), fertiles et plus ou moins imperméables. La rétention locale d'eau qu'elles permettent les rend propices au développement d'une riche végétation qui contraste avec le plateau calcaire environnant.

Et pour terminer, si vous désirez de beaux mots à mettre à votre vocabulaire, les dolines vous le permettront indirectement dans leur domaine, jugez plutôt :

Un ouvala désigne plusieurs dolines coalescentes

Un poljé est une dépression de très grandes dimensions dont le fond présente des reliefs résiduels ou hums. L'évacuation de l'eau des dolines s'effectue par un embut ou puits absorbant, celle des poljés s'effectue par un ponor.

Le terme emposieu peut désigner, dans le Jura, la perte d'un cours d'eau dans une cuvette ou une doline évoluée au fond communiquant parfois avec une cavité.

Un sotch est parfois aménagé en lavogne (termes rouergats) dans le sud Massif central ou en boutasse dans la région lyonnaise. Ce type d'aménagement de doline sert de collecteur d'eau de pluie, de réservoir et d'abreuvoir

Dans le nord de la France, les dolines sont souvent associées à des creuses, et ne doivent pas être confondues avec des effondrements d'anciennes carrières souterraines (fontis), ou des séquelles de guerre tels que trous d'obus ou de mines (fréquentes dans une partie du Nord/Pas-de-Calais).

Les cénotes, en territoire maya (Yucatan, Belize, Guatemala) peuvent être des dolines d'effondrement noyées.

Les tiankengs sont de gigantesques dolines d'effondrement, à parois verticales, qui se rencontrent notamment en Chine d'où vient leur nom signifiant «trou de ciel», mais aussi en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Mexique. En français, on emploie aussi le terme «méga-doline».

Les sótanos sont de très grandes dolines d'effondrement, à parois verticales, qui sont nommées ainsi au Mexique principalement (exemple: Sótano de las Golondrinas).

Les blue holes (littéralement trous bleus) sont des dolines d'effondrement, complètement noyées sous la surface d'un plan d'eau.

Les black holes (littéralement trous noirs) sont des dolines de dissolution, noyées, présentes uniquement aux Bahamas, dont l'eau apparaît très sombre du fait de micro-organismes particuliers. L'un des plus connus est le black hole d'Andros.

Et pour être complets, il faut dire aussi qu'il existe des espèces de dolines artificielles destinées à évacuer l'eau excédentaire d'un barrage. Dans ce cas, on peut aussi supposer que bon nombre d'observateurs, pas spécialement au fait de cette particularité, s'en trouvent très étonnés, voire horrifiés, de ce qui leur paraît réellement être un phénomène hors du commun.

Quelques petites remarques s'imposent

Nous n'avons donc pas ici la prétention d'avoir réalisé un quelconque exploit en "démystifiant" les trous dans l'eau. Nous reconnaîtrons même que, confrontés à ce problème, nous avons tout d'abord été étonnés, comme tout le monde, mais pas du tout convaincus qu'il s'agissait là de quoi que ce soit de surnaturel. Inexpliqué peut-être, mais pas forcément inexplicable ! Il semblerait même que d'autres avant nous aient déjà découvert l'astuce, peut-être pas pour les dolines mais en tous cas pour les déversoirs artificiels des barrages en cas de trop-pleins. mais cela n'a apparemment pas eu beaucoup d'impact et des tas de gens, en voyant des vidéos telles que celles que nous vous avons proposées, se "sentent mal" face à pareilles manifestations. Quitte à faire double emploi, nous avons donc décidé d'enfoncer le clou, en espérant que cela ne tombe pas à l'eau...

Au sujet de ces mêmes déversoirs, il faut signaler qu'il est fort probable que des touristes se promènent aux abords de tels barrages et ne remarquent rien puisque le niveau de l'eau dépasse le dispositif. Dans ce cas, il n'y a évidemment aucune raison de s'émouvoir. Ils peuvent aussi y passer alors que le dispositif n'est pas activé et pas plus dans ce cas que dans le précédent, on ne remarque quoi que ce soit. Il faut donc, pour que le phénomène soit visible, arriver sur les lieux alors qu'il a beaucoup plu les jours d'avant, au point que le niveau de l'eau ait exagérément monté. Les observateurs ne trouvent pas forcément d'explications auprès de personnel qualifié, celui-ci ne parle pas toujours la même langue, etc. Mais il peut aussi y avoir de petits plaisantins qui présentent les choses comme si elles étaient mystérieuses: nous avons remarqué le procédé sur le Net - exactement les mêmes images, mais d'un côté présentées à la sauce "mystère" et d'un autre agrémentées de quelques explications du même type que les nôtres mais qui ne semblent guère convaincre. C'est hélas un autre phénomène bien connu que celui qui consiste à enlever leur part de merveilleux aux inconditionnels de l'inexpliqué.

Bon ! Pour les déversoirs, soit ! Mais en pleine mer ? Dans l'océan ? Ou dans des lacs ?

Hé bien la possibilité de l'influence de pluies acides n'est pas très probante car en vertu de l'importance du volume d'eau, il faudrait des pluies acides sacrément concentrées pour arriver à désagréger la plaque calcaire qui s'oppose à la force des eaux. Il faudrait aussi des pluies très localisées et qui tombent juste au bon endroit. Mais d'un autre côté, ces pluies ne sont pas indispensables car l'usure naturelle de la paroi de séparation finira toujours bien, un jour ou l'autre, par provoquer la rupture. Elles peuvent toutefois contribuer au déclenchement des opérations et accélérer le processus. Ce qu'il faut en revanche c'est de grandes, voire d'énormes cavités souterraines pour pouvoir engloutir des quantités d'eau parfois aussi conséquentes. Mais voilà qui ne pose pas beaucoup de problèmes à notre bonne vieille terre, pour laquelle les choses ne viennent pas à quelques milliers de kilomètres cube ! Cela peut notamment être le cas lors de séismes, où les mouvements de plaques tectoniques libèrent parfois de gigantesques zones (tout en en comblant d'autres, mais les choses se régulent en finale lorsque la stabilité revient)

Dans certains cas, adjointes à d'autres explications, les dolines pourraient constituer des explications partielles aux disparitions dans le triangle des Bermudes. Mais c'est un autre sujet.

Tout ceci prouve seulement qu'il ne faut pas crier trop vite au mystère...

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