Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

Jan Baptiste Van Helmont


Jan Baptiste Van Helmont peut sans conteste figurer de manière honorable dans cette rubrique consacrée aux personnalités de l'étrange. Il fut en effet, avec Nicolas Flamel, l'un des seuls alchimistes que l'on suppose avoir éventuellement pu découvrir le moyen de transmuter les métaux vils en métaux nobles et, par conséquent, d'avoir découvert la fameuse pierre philosophale. Il s'agit vraiment déjà d'une référence car si l'on considère le nombre d'alchimistes qui se consacrèrent à l'étude du Grand Œuvre, la proportion des lauréats est infime par rapport à celle des participants. Mais Van Helmont mérite un article aussi tout autant par son caractère extravagant que par la nature même de ses travaux.
Chimiste, physiologiste et médecin flamand, Jan Baptist van Helmont eut le grand mérite d'avoir établi un pont entre l'alchimie et la chimie, et malgré ses penchants mystiques et sa croyance en la pierre philosophale, il respecta l'enseignement de William Harvey et celui de Galilée.
Il fut un observateur minutieux et un expérimentateur précis. Il s'attaque aux éléments d'Aristote. «Le feu, dit-il, n'est ni un élément, ni une substance; la flamme est une fumée allumée.» En outre, comme les chimistes de son époque, il considéra que la terre n'est pas un élément : elle résulte de la transformation de l'eau.
Il démontra son hypothèse en faisant pousser un jeune saule dans une caisse de bois contenant une quantité de terre bien déterminée. Après arrosage, durant cinq ans, avec de l'eau de pluie filtrée sur tamis, il observa que le poids de l'arbre avait augmenté de 74 kg, tandis que celui de la terre n'avait diminué que de 57 g. La terre n'ayant accusé aucune variation sensible de poids, c'est donc l'eau qui s'est changée en bois et en racines, c'est-à-dire en substances solides que l'on qualifiait de «terre».

Bien qu'il ne fût pas opposé à l'idée de transmutation, il réfuta l'expérience qui consistait à «transmuer» le fer en cuivre par séjour dans une solution de vitriol bleu (sulfate de cuivre) en prouvant que le vitriol renferme l'élément cuivre. "Précurseur de la chimie pneumatique", comme l'écrit Hoefer, Van Helmont révéla d'une façon scientifique l'existence des «gaz», comme il les nomme, et en reconnut plusieurs. Il identifia l'un d'eux, le «gaz sylvestre» (gaz carbonique)qui résultait de la combustion du charbon, ou de l'action du vinaigre sur certaines pierres, ou de la fermentation du jus de raisin. L'expression "ça gaze" provient de lui par déformation de l'esprit d'origine (le rapport était à chercher dans les bombardements au front).
Pour Van Helmont, le gaz constitue l'ensemble des «exhalaisons» dont l'air est le réceptacle. Physiologiste, il considérait que la digestion, l'alimentation et le mouvement étaient dus à des ferments qui transformaient, en six étapes, les aliments en matière vivante. Pour Van Helmont toute substance est formée d'eau, élément primordial, et d'un ferment impondérable, principe spirituel qui exerce son action sous l'influence d'une force spirituelle, l'Archée.
Médecin, il se laissait guider par des principes chimiques pour le choix des remèdes et introduisait, par exemple, l'usage de l'alcali pour corriger l'acidité excessive des ferments digestifs. Ses œuvres complètes furent publiées en 1648 par son fils Franz Merkurius : Ortus medicinæ, vel opera et opuscula omnia.
Mais nous allons voir tout cela beaucoup plus en détail tant il s'avère que l'étude des réalisations de Van Helmont est intéressante et tout particulièrement en ce qui concerne la pierre philosophale. Un sujet qui ne manque pas de faire rebondir de manière très inattendue ce que l'on disait des alchimistes et de leur possibilité de transmuter les matériaux.
Jan Baptiste Van Helmont se livra â l'étude de la médecine et à celle des sciences qu'il jugeait en être une partie essentielle. C'était bien une vocation, car il persévéra jusqu'à sa mort dans une carrière dont le choix avait vivement contrarié ses parents, peu satisfaits de voir un membre des anciennes familles de Mérode et de Stassart se livrer à l'exercice de la médecine; cependant c'est en s'y dévouant absolument, ainsi qu'aux recherches scientifiques qui, à ses yeux, en étaient la conséquence, qu'il illustra le nom de Van Helmont dans le monde savant.

Les titres de Van Helmont à l'estime des hommes sont d'avoir parfaitement apprécié l'insuffisance des doctrines issues de la méthode a priori péripatéticienne qui dominaient les écoles de son temps et d'en avoir combattu plusieurs points, non pas seulement par des raisonnements, mais encore par l'observation des phénomènes naturels et quelquefois par l'expérience; de plus, d'avoir tiré de recherches ainsi dirigées des conclusions dont l'importance s'est accrue avec le temps. Mais, pour juger Van Helmont, il faut l'envisager autrement que ne l'ont fait ses admirateurs et ceux qui n'ont vu en lui qu'un second Paracelse. Il est vrai que Van Helmont, comme Paracelse, avait un besoin d'innover; qu'il s'occupait des phénomènes naturels du ressort des actions moléculaires, et que son genre d'esprit le portait à exagérer ses opinions et tout ce qu'il croyait devoir préconiser. Mais l'exagération, loin d'être chez lui le calcul du charlatanisme, naissait d'une conviction profonde de l'exactitude de ses recherches aussi bien que de leur utilité; et, à nos yeux, elle était la conséquence naturelle de la faculté d'inventer, qu'il possédait incontestablement.
Au point de vue moral, Van Helmont fut toujours digne de sa famille; il ne cessa jamais de respecter dans ses écrits et sa conduite les pouvoirs légitimes, sans lesquels l'existence d'aucune société humaine n'est possible. Mais, si Van Helmont préconisa l'expérience en la pratiquant lui-même quelquefois, s'il s'éleva contre la logique d'Aristote, en en signalant avec raison et une grande vigueur de langage l'insuffisance dans l'étude du monde visible; cependant il est encore un exemple de la faiblesse de l'homme, car il lui paya tribut en professant des opinions dont la preuve expérimentale n'a jamais été donnée, et qui sont incontestablement le résultat d'une méthode qu'il repoussa sans doute à propos de quelques recherches particulières, mais à l'esprit de laquelle il soumit l'ensemble de ses opinions. Il y a plus, les œuvres de Van Helmont qui, plus que toutes autres, sont l'expression la plus franche et la plus claire de la méthode a priori, prise au suprême degré de l'absolu. S'il combattit Aristote, c'est que le philosophe grec admet des propriétés inhérentes à la matière, ou à la substance existant de toute éternité, tandis que lui, Van Helmont, prenant son point de départ dans les livres saints, et principalement dans la Genèse, admet que la matière a été créée par le verbe de Dieu. Avec la force que donnait à sa pensée vigoureuse une conviction profonde de croyances qui, à ses yeux, étaient parfaitement orthodoxes, nous voyons Van Helmont exposer sans hésitation, et de la manière la plus franche, des opinions relatives aux faits du monde visible, qui, à beaucoup de penseurs, ont paru ne pouvoir être que l'expression de doctrines non pas seulement hétérodoxes, mais matérialistes même. Ces opinions furent sans doute une des causes des poursuites de l'inquisition dont il fut objet, et qui troublèrent une partie de sa vie studieuse.
On ne peut ici passer sous silence le fait, semble-t-il bien établi, que Van Helmont fut le témoin d'une «transmutation» métallique. Voici, à ce sujet, des extraits de la Pierre philosophale de Georges Ranque, Laffont, 1972 - : En 1618, se fit une autre transmutation sur laquelle on possède des détails authentiques, car elle eut lieu dans un milieu savant. On doit à Van Helmont la découverte du suc gastrique, du gaz carbonique, l'invention du thermomètre, et celle du mot «gaz» pour définir les substances aériformes. C'était pour l'époque un scientifique, et on le connaissait comme adversaire de l'alchimie. En 1618, un inconnu lui remit un demi grain (25 milligrammes) de pierre philosophale, avec lequel il fit lui-même la transmutation de mercure en or, ce qui le convertit entièrement. Il a relaté le fait dans deux traités Arbor Viteet Vita Aeterna dont voici des extraits originaux, en latin :
«Dabat enim mihi forte femigranum illius pulverir, et inde unciae novem atque 3/4 argenti vivi tranfmutatae sunt. Iftud autem aurum dedit mihi peregrinus unius vesperi amicur... Cogor credere lapidem aurificum et argentificum erre, quia distinctif vicibus, manu mea unius grani pulveris super aliquot mille grana argenti vivi ferventir projectionem feci,astanteque multorum corona nostri omnium, cum titillante admiratione negocium in igne successit, prout promittunt libri, ... Qui mihi primum dabat pulverem aurificum, hab ebat saltem ad minimum, ejus tantumdem, quantum adducenta milena librarum auri commutanda sat forent. » [Arbor vite]
Et voici la traduction
«Il me donnait en effet environ un demi grain de cette poudre, et de là neuf onces 3/4 (298,25 grammes) d'argent vif ont été transmuées. Or un étranger ami d'un seul soir me donna cet or... Je suis forcé de croire à l'existence de la pierre aurifique et argentifique, parce qu'en diverses circonstances, j'ai de ma main fait projection d'un grain de poudre sur quelque mille grains d'argent vif bouillant, et en présence de plusieurs personnes, à notre chatouillant étonnement le travail dans le feu réussit, ainsi que les livres l'assurent... Celui qui le premier me donnait la poudre aurifique avait au moins avec lui assez pour traiter, au minimum, un millier de livres et les convertir en or.»
Dans Vita Aeterna :
«Enim vero vidi illum (lapidem) aliquoties, meisque contrectavi manibus. Erat enim coloris qualis croco in suo pulvere, ponderosus tamen et micans, instar vitri pulverati. Datum mihi semel ejus fuerat quarta pars unius grani. Granum autem, voco, sexcentesimam partem unius unciae. Hunc ego quadrantem unies grani chartae involutum projeci super uncias octo argenti vivi fervidi in crucibulo, et confestim totus hydrargyrus, cum aliquanto rumore stetit a fluxu, congelatumque, resedit instar ossae flavae. Post fusionem vero ejus, Plante folle, repertae fuerunt unciae octo auri purissimi granis undecim minus. Itaque granum illius puLveris transmutasses in aurum optimum partes argenti vivi sibi aequales 19156.»
Ce qui se traduit :
«En effet j'ai vraiment vu cette pierre quelquefois, et je l'ai touchée de mes mains. Elle était de la couleur du safran en poudre, pesante cependant et brillante, à la ressemblance du verre pilé. On m'en donna une fois le quart d'un grain (13 milligrammes). J'appelle un grain la six centième partie d'une once (50,98 mg). Je projetai moi-même ce quart de grain enveloppé de papier, sur huit onces (244,7 g) d'argent vif bouillant dans un creuset et à l'instant même tout l'hydrargyre, avec un assez grand bruit cessa de couler, et congelé, demeura comme une masse jaune. Et après l'avoir fondu, en poussant le feu, il se trouva huit onces moins onze grains (244,16 g) de l'or le plus pur. Ainsi un grain de cette poudre aurait pu transmuer en excellent or 19156 parties égales d'argent vif.»

Dans un premier temps et en ce qui nous concerne, nous persisterons à dire que l'on peut prétendre quoi que ce soit sans que cela ne change rien à défaut de preuves. Cependant, on nous parle aussi de "milieu savant", il devait donc s'agir au moins d'érudits, de personnes auxquelles on ne fait pas prendre des vessies pour des lanternes et malgré le caractère extravagant de Van Helmont, on le sent aussi assez honnête que pour détester le mensonge. Par conséquent, on serait tenté de croire en cette expérience ou tout du moins de laisser planer un doute sur l'impossibilité totale de la transmutation chez les alchimistes. Il faut en effet aussi remarquer deux choses : premièrement les quantités d'or en cause sont étrangement similaires dans les cas de Van Helmont et de Nicolas Flamel (244.7 g pour 247). Deuxièmement, il suffit de penser aux conséquences d'une découverte telle que la pierre philosophale pour s'imaginer le pourquoi de son maintien au secret. Si cette connaissance s'ébruitait, cela aurait provoqué un rush immédiat de la part de toutes les personnes intéressées (et ce n'est pas ça qui manque) de telle sorte que la quantité totale d'or disponible aurait augmenté dans des proportions incroyables. De ce fait, l'or aurait perdu toute sa valeur puisque celle-ci est notamment liée à sa rareté. En ne conservant pas le secret de rigueur, le découvreur aurait précipité sa propre ruine en même temps que celle de tant d'autres !

On peut aussi livrer la relation de cette transmutation telle que Louis Figuier [l'Alchimie et les alchimistes, Hachette, 1860] et Jacques Sadoul [le Trésor des alchimistes, J'ai Lu, 1970 - le Grand Art de l'alchimie, J'ai Lu, 1974] la rapportent, dans des tons très différents. Nous ne partageons pas, toutefois, l'opinion de J. Sadoul sur Figuier. Son livre est très bien documenté et de nombreux passages montrent son érudition en ce domaine. Voici ce passage :
Il existe deux cas de transmutations effectuées par des scientifiques de premier plan en l'absence de tout alchimiste, ce sont celles de Van Helmont, qui eurent lieu entre 1614 et 1616 ; et celle d'Helvetius, qui prit place en janvier 1667. Les critiques rationalistes de l'art hermétique ont toujours été extrêmement gênés pour expliquer ces deux cas, au point qu'ils affectent maintenant de les considérer comme négligeables, vu l'impossibilité de procéder à l'explication des faits. Or, nous allons le voir, les faits avaient été dûment vérifiés à l'époque par des personnalités scientifiques de premier plan. L'un des plus acharnés à la démolition des preuves avancées par les alchimistes en faveur de la réalité de leur art, Louis Figuier, dans son étude fantaisiste "L'Alchimie et les alchimistes" (Paris, 1860) qui abonde en inexactitudes, contre sens, falsifications et explications aberrantes dont nous reparlerons fut obligé d'écrire :
«Les philosophes hermétiques ont toujours cité avec une grande confiance, à l'appui de la vérité du fait général des transmutations, le témoignage de Van Helmont. Il était difficile, en effet, de trouver une autorité plus imposante et digne de foi que celle de l'illustre médecin dont la juste renommée comme savant n'avait d'égale que sa réputation d'honnête homme. Les circonstances mêmes dans lesquelles la transmutation fut opérée avait de quoi étonner les esprits, et l'on comprend que Van Helmont lui-même ait été conduit à proclamer la vérité des principes de l'alchimie, d'après l'opération singulière qu'il lui fut donné d'accomplir.»
(...) Pour en revenir à Van Helmont, on peut dire qu'il était donc l'un des meilleurs esprits scientifiques de son temps. II travaillait habituellement dans son laboratoire de Vilvoorde, près de Bruxelles. C'est là qu'il reçut, un jour, la visite d'un Adepte inconnu qui lui fit don d'un peu de Pierre philosophale. Figuier place la scène en 1618, ce qui est une absurdité puisque Van Helmont avait quitté deux ans auparavant ce laboratoire. Elle a dû avoir lieu entre 1614 et 1616 (il semble que Van Helmont se soit adonné à l'art de la pyrotechnie à Vilvoorde pendant sept ans, à partir de 1609) sans qu'il soit possible aujourd'hui de préciser exactement. L'inconnu, selon les propres dires de Van Helmont, devint son ami en l'espace d'un soir et lui montra sa provision de poudre de projection. Il affirma en posséder suffisamment pour transmuer deux cent mille livres d'or. Van Helmont qui était peu intéressé par l'alchimie manifesta quelque scepticisme et son compagnon accepta de lui remettre un quart de grain (13,5 mg) de sa poudre en lui précisant les modalités à respecter pour opérer une transmutation. Après quoi il se retira et le médecin belge ne le revit jamais. Plusieurs hypothèses ont été avancées quant à l'identité de ce mystérieux personnage. Pour certains il s'agirait d'un autre médecin dénommé Butler qui travailla un moment avec Van Helmont et que celui-ci cite dans son Ortus medicinae; pour d'autres, il pourrait s'agir du fameux Artiste, Eyrénée Philalèthe, qui semble avoir possédé la plus extraordinaire poudre de projection de toute l'histoire de l'alchimie. Certains objectent que cette hypothèse est incompatible avec l'âge que s'attribue Philalèthe lors de la publication de son traité L'Entrée ouverte au palais fermé du roi, soit trente-trois ans (c'est un nombre qui doit s'entendre par cabale. Mais cet âge peut très bien être compris dans un sens mystique, ainsi trente-trois ans est l'âge du Christ lors de son supplice, ou dans un sens allégorique : il aurait fallu trente-trois ans à l'alchimiste pour élaborer la Pierre. Voici comment Van Helmont décrivit l'expérience qu'il fit avec ce quart de grain de Pierre, une fois revenu dans son laboratoire. Rappelons encore que l'alchimiste ne participa pas à l'expérience qui eut lieu en présence des seuls aides habituels du chimiste :
«J'ai effectivement vu la Pierre philosophale à différentes reprises et je l'ai maniée de mes mains. Elle était à l'état de poudre, virant sur le jaune, pesante et brillante comme du verre pulvérisé. Il m'en fut donné une fois la quantité d'un quart de grain, j'appelle grain la six centième part d'une once. Donc, ce quart de grain, enveloppé dans du papier, je l'ai projeté sur huit onces de vif-argent et chauffé dans un creuset. Aussitôt, tout le mercure se figea avec quelque bruit et, une fois coagulé, apparut contracté sous l'aspect d'une boulette jaune. Après l'avoir fait refondre en activant le feu avec des soufflets, je trouvai huit onces, moins onze grains d'or très pur. Par conséquent un seul grain de cette poudre a transmuté en or excellent 19 X 186 fois son poids de vif-argent. Par suite, je pense que figure parmi les corps terrestres la poudre précitée, ou toute autre similaire, qui transmue presque à l'infini le métal impur en or excellent. En s'unissant à lui, elle le protège de la rouille, de la corruption et de la mort, le rendant comme immortel à l'égard de la torture du feu et de l'art, lui conférant la pureté virginale de l'or. Pour cela, l'ardeur du feu est seule requise : Je dirai, par comparaison, que l'âme et le corps sont régénérés de la sorte par le baptême et la communion au sein de Notre-Seigneur, pour autant qu'une ferveur convenable de la dévotion des fidèles en accompagne la participation. Que le théologien me pardonne, dans cette digression, si j'ai parlé de la vie éternelle au-dessus de ma compétence. Je reconnais bien volontiers qu'il ne m'appartient pas de régénérer mon corps, je ne traite que de la prolongation de la vie en ce monde, lui conférant la pureté virginale de l'or. Pour cela il n'est requis seulement que la chaleur modérée d'un feu de charbon.»

Il ne faut pas s'étonner de voir cette référence à la religion chez un scientifique, étant donné l'époque d'une part, mais aussi d'autre part les convictions personnelles de Van Helmont qui étaient très sincères. Dans une thèse publiée sur son œuvre, Van Helmont, philosophe par le feu, par Nève de Mervignie (Liège, 1936), on peut lire : «Dans un passage des Promissa authoris, Van Helmont nous raconte que, dégoûté des livres où les écoles de médecine, faisant étalage d'une fausse science, multipliaient de vaines promesses, il décida de les abandonner tous, la conviction s'étant d'ailleurs implantée en lui que la vraie médecine est un don qui, comme tous les dons bienfaisants, ne peut venir que du ciel. Dès lors, c'est de Dieu qu'il se jure de l'attendre et non des hommes, de Dieu qui est le «père des lumières» et, plus spécialement encore, celui de la médecine adepte».
Et il se mit à parcourir divers pays étrangers, constata que partout régnaient la même ignorance et la même méconnaissance du caractère sacré que possède l'art de guérir, et il finit par considérer la médecine, telle que la pratiquaient ses contemporains, comme une véritable imposture, introduite par les Grecs et exploitée depuis eux par des charlatans qui abusaient de la crédulité du public.. On reconnaît là les opinions de Paracelse et c'est ce qui détermina Van Helmont à se retirer pendant sept ans dans son laboratoire de Vilvoorde, à partir de 1609, pour étudier loin de la foule et des honneurs. C'est pendant cette période qu'il eut l'occasion de rencontrer William Butler, un médecin d'origine irlandaise, qui opérait des guérisons miraculeuses. II semble avoir possédé une «pierre de Butler», sans qu'il soit possible aujourd'hui de dire si cette pierre avait ou non un rapport quelconque avec la matière philosophale. Toujours est-il que Butler, en délicatesse avec les édiles de Vilvoorde, se retrouva interné dans la prison de leur château. Les autorités s'adressèrent à Van Helmont pour essayer de savoir si ce Butler était un charlatan ou, au contraire, si les cures merveilleuses qu'on lui attribuait présentaient quelque réalité. Dans sa thèse, Nève de Mervignies écrit :
«Il est probable que Van Helmont, en se rendant auprès de Butler, ne laissait pas de nourrir l'espoir d'être initié au secret de la thérapeutique qui faisait l'admiration de ses anciens concitoyens. Comment expliquer autrement, en effet, que les deux Adeptes se soient, sur l'heure, liés d'amitié ? Toujours est-il que Butler, en gage de cette amitié, consentit à communiquer à son confrère brabançon la recette de sa Pierre philosophale. Ce confrère sut d'ailleurs récompenser, comme il convenait, ce beau geste, en faisant le nécessaire pour obtenir l'élargissement de l'Adepte irlandais, lequel sut à son tour récompenser son nouvel ami par la révélation du secret d'un remède contre la peste, ce qui hélas, ne le mit pas à l'abri d'une condamnation qui le bannissait de nos provinces. Mais Van Helmont, heureusement, pouvait se passer de l'aide du banni et il se mit à faire, à l'aide de la Pierre que celui-ci lui avait donnée, des cures dont le récit forme la trame du traité qu'il lui a consacré, cures qu'il n'est pas très éloigné de présenter comme miraculeuses et dont il fit notamment bénéficier son épouse.»
J'ai regardé le texte latin du traité intitulé Butler et il n'est nullement fait mention de Pierre philosophale; en fait Butler confia à son confrère le secret d'une substance, dénommée par le peuple «pierre de Butler», que Van Helmont appelle «drif», mais il est très probable qu'il s'agissait seulement d'un médicament. Le seul point qui pourrait lui faire attribuer une origine hermétique est une réflexion de Van Helmont précisant qu'il n'indiquera la composition de cette substance qu'autant qu'il est permis de le faire sans aller jusqu'à «jeter des roses aux pourceaux» (Itaque... dicam requisita Drif, ac dein compositionis modum, quantum Philosopho permissum est, declarabo, ne rosas ante portos prostravero.) Il est à noter que cette fameuse transmutation effectuée par Van Helmont dut le marquer profondément car il y fait allusion dans d'autres fragments de ses oeuvres. Dans l'un de ses traités des maladies, Demonstratur thesis (p. 134), il revient sur ce sujet au cours de sa cinquante-huitième «proposition démontrée» :
«Je considère que la régénération de ceux qui doivent être sauvés, et leur participation à là vie dans la communion eucharistique, s'effectue et peut s'observer dans ce qui, sur le plan terrestre, offre quelque similitude, sur un plan différent bien entendu : je veux dire qu'elle est semblable et très analogue à la projection de la pierre aurifique. Il se trouve que j ai manié celle-ci de mes propres mains à plusieurs reprises et que j'ai vu de mes propres yeux la transmutation de vif-argent du commerce, dans une proportion dépassant de quelques milliers de fois celle du poids de la poudre aurifique. Elle était d'une couleur jaunâtre, sous la forme d'une poudre pesante, brillant comme du verre pilé là où elle avait été moins finement broyée. Il m'en fut une fois donné le quart d'un grain, et j'appelle grain la 600e partie d'une once. J'enveloppai donc cette poudre dans de la cire arasée (du cachet) provenant d'une lettre quelconque, afin qu'en la projetant dans le creuset elle ne fût pas dispersée par les fumées du charbon. Je projetai cette boulette sur une livre de vif-argent récemment achetée, et chauffée dans un creuset de Hesse (creuset triangulaire) et aussitôt le mercure, avec quelque murmure, cessa d'être fluide et se rassembla en boule. Or, la température du vif-argent était telle qu'elle eût empêché le plomb fondu de se solidifier. Ayant bientôt après augmenté le feu par l'action d'un soufflet, le métal entra en fusion. Le vase renversé, on trouva 8 onces d'or très pur. Le décompte effectué établit qu'un grain de cette poudre convertissait 19 200 grains de métal impur, volatil et destructible au feu, en or véritable. Cette poudre, donc, en s'unissant au mercure précité, le préserva en un instant de la rouille éternelle, de l'altération et de la torture du feu, aussi violent soit-il. Elle le rendit en quelque sorte immortel à l'égard de toute violence exercée par l'art ou par le feu, lui conférant la pureté virginale de l'or. Pour cela il n'est requis seulement que la chaleur modérée d'un feu de charbon (la traduction est de Bernard Husson, au mot à mot près, revue par J. Sadoul).»
Il semble donc bien que Van Helmont ait effectué non pas une mais deux transmutations avec la poudre qui lui a été confiée, puisque dans l'un des cas il enveloppe la matière philosophale dans de la cire et dans l'autre du papier, et que les chiffres ne correspondent pas exactement. Il n'est toutefois pas exclu qu'il puisse s'agir de la même transmutation mais que le souvenir du chimiste ait varié sur les détails avec le temps. Que penser de ces deux relations de transmutations effectuées par le célèbre savant belge ? Pour Figuier et les rationalistes du XIXe siècle, il y a eu truquage :
«On ne peut mettre en doute aujourd'hui que, grâce à une supercherie adroite, grâce à quelque intelligence secrète avec les gens de la maison, l'Adepte inconnu n'eût réussi à faire mêler, par avance, de l'or dans le mercure ou dans le creuset dont Van Helmont fit usage.»

La puérilité d'un tel argument apparaîtrait à n'importe quel élève de chimie de première année : en admettant qu'on ait pu tromper Van Helmont et qu'il y eût effectivement de l'or dans la livre de vif-argent utilisée on eût retrouvé après l'expérience l'or au fond du creuset et le mercure surnageant ; ainsi que l'a bien expliqué Van Helmont qui était chimiste, lui, et non écrivain polygraphe comme M. Figuier. Celui-ci, sentant la faiblesse de son argumentation, continuait :
«Mais il faut convenir que cet événement, tel qu'il dut être raconté par l'auteur de l'expérience, était un argument presque sans réplique à invoquer en faveur de l'existence de la Pierre philosophale. Van Helmont, le chimiste le plus habile de son temps, était difficile à tromper : il était lui-même incapable d'imposture et il n'avait aucun intérêt à mentir, puisqu'il ne tira jamais le moindre parti de cette observation. Enfin, l'expérience ayant eu lieu hors de la présence de l'alchimiste, il était difficile de soupçonner une fraude. Van Helmont fut si bien trompé à ce sujet qu'il devint à dater de ce jour partisan avoué de l'alchimie. Il donna, en l'honneur de cette aventure, le nom de Mercurius à son fils nouveau-né.»
Signalons au passage une preuve de plus du manque de sérieux de Figuier puisque le fils de Van Helmont, François Mercure, est né en 1614, soit quatre ans avant la date que Figuier assigne à la transmutation, qu'il place en 1618 ! Il est à noter que, jusqu'à présent, seul l'ouvrage de ce publiciste a été considéré comme une œuvre sérieuse par les milieux universitaires. Sur la fin de sa vie, Van Helmont eut des ennuis avec l'Inquisition qui lui fit un procès, provoqué surtout par la jalousie des autres médecins qui, tout comme dans le cas de Paracelse, voulaient se débarrasser d'un confrère réussissant mieux qu'eux. Le tribunal de l'Inquisition se montra très modéré, gêné d'être obligé de requérir contre un savant tel que Van Helmont, et le condamna seulement à une retraite forcée. Il mourut en 1644.

[Et maintenant, qui croire ? Van Helmont, Louis figuier ou Jacques Sadoul ? Van Helmont eut-il réellement un jour, dans sa main, cette fameuse poudre de projection ? En tout cas, il crut bien avoir trouvé l'alkaest : c'est Van Helmont qui proclama, en effet, le caractère dissolvant de l'alkaest, qu'il qualifie de «médicament nouveau et merveilleux, l'Eau de Feu, l'Eau d'Enfer». Il dit : «C'est un sel, le plus sain et le plus parfait de tous les sels; le secret de sa préparation est au-delà de la compréhension humaine, et Dieu seul peut le révéler aux élus». Van Helmont devait donc être l'un des élus puisqu'il affirme par serment qu'il possédait cet Alkaest, cette substance qui, «comme l'eau chaude dissout la glace», pouvait dissoudre tous les corps. Fulcanelli a évoqué les transmutations de Van Helmont, comme le rapporte Canseliet dans son Alchimie expliquée sur ses Textes classiques. Il reste étrange pour nous, qu'un savant ait conservé une attitude «rationnelle» sur un problème complexe comme pouvait l'être celui des esprits - les gaz - et qu'il ait ainsi dérivé, quand il s'agissait de traiter de l'alkaest.]

Nous l'avons déjà dit, Van Helmont introduisit dans la langue des sciences l'expression de gaz, qui semble bien n'être que le mot allemand GAHST, esprit, pour désigner ce qu'on appelle aujourd'hui le fluide élastique proprement dit, qui ne se liquéfie ou ne se solidifie pas sous la simple pression de l'atmosphère ou à la température moyenne des zones tempérées de notre globe.
Jamais on n'oubliera le service rendu à la science par l'usage qu'il fit lui-même de ce mot en l'appliquant à un grand nombre de faits du ressort des actions moléculaires ou des phénomènes chimiques, et en montrant que les gaz qui se manifestent à l'observateur, pouvant différer les uns d'avec les autres par des propriétés spéciales, forment une classe de corps, quoiqu'il admit cependant qu'ils se réduisaient par le froid en un corps unique, l'eau. Van Helmont, après avoir dit que soixante-deux livres de charbon de chêne donnent, en brûlant, une livre de cendre et soixante et une livres d'esprit sylvestre, ajoute :
«Cet esprit, inconnu jusqu'ici, ne peut être renfermé dans des vases, ni être réduit en corps visible, je l'appelle d'un nom nouveau, GAZ; il y a des corps qui se réduisent entièrement en ce même esprit. L'esprit concret et coagulé à la manière d'un corps est excité (à devenir gaz) par l'addition d'un ferment, comme dans le vin, le pain, l'hydromel, etc.»
Van Helmont, en citant le gaz produit par la combustion du charbon, celui qui l'est par la fermentation alcoolique, que par parenthèse il distingue explicitement de l'esprit de vin, le gaz développé lorsqu'on verse du vinaigre sur des carbonates, le gaz des eaux de Spa, le gaz de la grotte du Chien prés de Naples, etc., les assimile par la nomenclature; et ce rapprochement est d'autant plus remarquable, que Van Helmont signale un gaz qui, à sa sortie du gros intestin, prend feu à la flamme d'une bougie, tandis que celui de l'estomac et des intestins grêles éteint la flamme sans brûler. ll savait encore que la combustion du soufre donne naissance à un gaz très odorant non inflammable, et que l'argent dissous par l'acide azotique en produit un autre (le deutoxyde d'azote). Il n'est pas aussi certain qu'il ait développé le gaz chlorhydrique, comme le dit le docteur Hoëfer; car on n'obtient pas ce corps à l'état de pureté en mettant dans une cornue de l'acide azotique avec du chlorure de sodium ou du chlorhydrate d'ammoniaque.
Enfin, il considérait la flamme comme un gaz porté à l'incandescence. En définitive, l'honneur d'avoir observé que, dans des circonstances diverses, des matières solides ou liquides peuvent en tout ou en partie prendre l'état de gaz, appartient à Van Helmont, ainsi que la distinction de ceux qui sont inflammables d'avec ceux qui ne le sont pas.

Mais, dans ses idées, que signifiait l'épithète de sauvage donnée à l'esprit qu'il désignait par le mot nouveau gaz ? Elle exprimait la propriété qu'il attribuait à cet esprit de ne pouvoir être coercé, c'est-à-dire renfermé dans un vaisseau. Il convient d'autant plus d'insister sur cette manière de voir, que Van Helmont distinguait le gaz de l'air atmosphérique, auquel il reconnaissait la propriété d'être coercé. On ne peut douter qu'il la lui reconnaissait en effet, quand on lit la description d'une expérience dans laquelle une chandelle allumée placée sous une cloche d'air renversée sur l'eau, diminue le volume de cet air et finit par s'éteindre.
D'après ces faits, l'air atmosphérique n'était donc pas un gaz pour Van Helmont. S'il était vrai, comme il le croyait, que celui-ci réunît à la pesanteur l'incoercibilité, le gaz serait alors un état de la matière, intermédiaire entre l'air et les fluides impondérables, puisque la propriété d'être incoercible le distinguerait de l'air, et la propriété d'être pesant le distinguerait des fluides impondérables. Nous avons cru devoir insister sur ce point de l'histoire de la science, en ce qu'il est assez généralement ignoré, et que les personnes qui le connaissent n'en ont tiré aucune conséquence. Cependant, ignorer ce fait, ou, si, le connaissant, on n'en tire pas la conclusion que nous en déduisons, c'est se mettre dans l'impossibilité d'apprécier le mérite clé de ceux qui ont rectifié l'opinion de Van Helmont, en prouvant par l'expérience que les gaz qu'il avait dit être incoercibles peuvent être recueillis dans des vaisseaux, et qu'il est possible d'en connaître les propriétés et de les distinguer ainsi en espèces parfaitement définies.
Van Helmont, se recommande, en outre, par l'usage qu'il fit de la balance dans une expérience souvent citée, par laquelle il constata. qu'un saule du poids de 5 livres, planté dans un pot imperméable, contenant 200 livres de terre pesée sèche, avait acquis en plus, au bout de cinq ans, 169 livres 3 onces non compris le poids des feuilles, et ce pendant la perte de la terre ne dépassait pas 2 onces, et l'eau distillée seule avait servi à l'arrosement de la plante.
Cette expérience fait époque en ce qu'elle montrait dès lors le parti qu'on peut tirer de la balance dans les recherches scientifiques, différentes des opérations docimastiques où cet instrument était alors habituellement employé. Mais, pour être juste à l'égard de tous, il faut rappeler qu'en Italie Sanctorius, né à Istrie, publia en 1634 des aphorismes de médecine statique qui étaient le résultat d'expériences suivies pendant une longue série d'années faites sur lui-même, afin de comparer le poids de son corps aux poids de ce qu'il prenait en aliments et de ce qu'il perdait en excrétions.
L'historien de la science doit donc faire remarquer que le mérite d'avoir employé la balance à résoudre des questions relatives à l'économie des corps vivants se partage entre Van Helmont pour les végétaux et Sanctorius pour les animaux. Les expériences de Sanctorius datent de 1600 à 1634. On trouve encore dans Van Helmont un grand nombre de faits qui rentrent dans les sciences expérimentales : ainsi il a eu l'idée d'un thermomètre à eau; il a imaginé un petit appareil de verre renfermant deux volumes d'air séparés par une colonne d'acide sulfurique coloré en rouge, qui rappelle le thermoscope de Rumford...

«Jean-Baptiste Van Helmont, le premier, décrivit et dessina son thermomètre évidemment élémentaire. La liqueur BC, rubifiée par une macération de roses, afin qu'elle soit plus visible [...] se mouvait dans le tube, à la juste mesure de l'ambiance» [Ortus Medicinae]]

PHOTOS : Comme tant d'autres dans cette partie du site, la source de ces photos ne nous est pas connue. La première, en haut à droite, atteste de ce que la place Rouppe était jadis sillonnée par des trams vicinaux, où ils avaient d'ailleurs leur terminus. La deuxième, en bas à gauche doit, selon nous, montrer la rue de Stalingrad (environs des années 50-60) Il ne faut pas confondre les motrices carrées, que l'on attribuerait facilement à celles de la STIB et qui étaient courantes sous ce modèle là à cette époque, avec les autres, plus effilées de la SNCV. Toutes deux sont vicinales, l'écartement des voies ne permettait pas l'usage simultané par les deux types de véhicules...(Ceci vous est signalé car la place Rouppe, située à Bruxelles, se trouve à proximité immédiate de la rue Van Helmont...)

Nous allons maintenant, si vous le voulez bien, laisser provisoirement ce brave Van Helmont à ses cornues et autres expériences alchimiques ou scientifiques pour revenir, de manière très abrupte convenons-en, à l'un des sujets chers à L'aventure fantastique" que vous pouvez retrouver facilement un peu partout dans ce site. Beaucoup d'entre vous ne verront évidemment aucun rapport entre ce dont je vais ici faire état et notre sujet et je n'hésiterai pas à signaler, de plus que, a priori, il n'y en a effectivement aucun. Nous allons nous avancer dans des hypothèses et même des spéculations très hasardeuses qu'il ne me dérange nullement que l'on considère comme saugrenues. Simplement, nous verrons bien ce qu'il en est par la suite, lors de l'avancée de nos recherches. Il est très possible et même probable que nous devions donc ultérieurement faire marche arrière et avouer nous être fourvoyés. Mais si personne n'avait jamais essayé de trouver un autre chemin pour rallier une destination, hé bien personne n'aurait jamais découvert l'Amérique non plus ! Pour rappel, "L'Aventure fantastique" est un ensemble de pages consacré à une multitude d'anecdotes très particulières vécues durant mon enfance, notamment mais non exhaustivement, à Bruxelles, laissant présager soit des dons médiumniques, des hasards prodigieux soit des passages incompréhensibles entre différentes époques comme si une machine à explorer le temps avait existé. (A mon seul usage ?)
Le lecteur assidu de notre site et de "L'aventure fantastique" connaît désormais mon attachement pour les vieux trams de Bruxelles (mais sacrebleu ! Que viennent-ils donc encore faire là-dedans, ceux-là ?). J'ai déjà expliqué les rapports quelquefois très bizarres qui avaient pu être établis entre leur "étude" (pour autant que l'on puisse appeler cela comme ça!) et de nombreuses manifestations paranormales ou du moins très étranges. On sait donc ma préférence pour les lignes de la STIB, mais on n'ignore pas pour autant que les anciens parcours des vicinaux ne me laissaient pas de marbre.
Simplement en raison de mon âge à l'époque et de mon lieu de résidence, il ne m'était guère possible de m'intéresser, sur le terrain, aux lignes qui s'écartaient du centre ville au delà de la gare du Nord et donc du côté de Jette, Laeken, et plus loin, Vilvoorde (ce qui ne m'empêcha pas plus tard de combler cette lacune). Or, il se fait que l'un des endroits qui, jadis, soulevaient le plus ma curiosité, se situait à la place Rouppe où existait non seulement des lignes de vicinaux mais aussi et surtout un terminus important de ce moyen de locomotion très en vogue dans les années 50 et avant. Je ne pouvais en aucune façon expliquer mon intérêt pour cette place, intérêt qui ne se justifiait ni par l'apparence des trams en question (que je jugeais malgré tout moins "beaux" que ceux de la STIB) ni par la différence de l'écartement des voies (que l'on aurait dès lors pu attribuer à un attrait d'ordre purement technique qui aurait témoigné d'une prédisposition précoce de ma part - laquelle ne s'est de toute façon jamais confirmée par la suite) ni même par leurs itinéraires qui, rappelons-le, constituaient l'un de mes pôles d'intérêt les plus importants à mes yeux). Rien de tout cela donc. Et pourtant, cette place exerçait sur moi une sorte de fascination hors du commun, d'autant plus étrange qu'inexplicable. Je ressentais là de fortes réminiscences d'un passé certes glorieux dans l'optique d'une Belgique "potentiellement impériale" (probablement à cause des influences de Léopold II et de la colonisation) mais pas uniquement. Toutefois, vu l'âge que j'avais à l'époque, il m'était très difficile de qualifier ces impressions. Sans pouvoir l'expliquer donc, j'attribuais à cette fameuse place Rouppe une importance passée, présente ou à venir que je ne ressentais qu'en de très rares autres endroits de Bruxelles. Avec le recul, je ne peux attribuer cela qu'à des perceptions d'ordre médiumnique (ou pré-médiumnique si l'on veut bien me passer l'expression). Mais bien entendu, je suis pleinement conscient de ce que cela ne peut en aucune manière se prouver, je ne recherche d'ailleurs aucune authentification en la matière...
Je citerai, simplement pour étayer mon hypothèse, les faits suivants : je ne l'ai appris que tout récemment, la place Rouppe était non seulement jadis un important terminus de trams vicinaux, elle jouxtait aussi l'ancienne version de la gare du Midi (laquelle joue un rôle important dans notre "Aventure fantastique". Elle occupait donc un rôle central dans l'affaire de la jonction Nord-Midi (un deuxième pôle d'intérêt), se trouvait à proximité de plusieurs lieux cruciaux (palais de justice, porte de Hal, place de Brouckère, galeries Saint-Hubert, quartier des Marolles, etc.) Or, il est important de signaler que, dans mon plus jeune âge, je n'avais aucune idée de ces particularités géographiques, les choses ne se sont mises en place que plus tard, lorsqu'il m'est advenu de parcourir la capitale par mes propres moyens. J'avais mes itinéraires tout tracés, issus des escapades réalisées avec papa et maman et je ne m'en écartais guère. La perception d'origine ne pouvait donc avoir été influencée (si l'on excepte peut-être que le dôme du palais de justice pouvait être visible, mais il n'est pas sûr que ce soit le cas à partir de la place Rouppe).
On le sait, les tramways vicinaux ont été progressivement mais rapidement remplacés par ceux de la STIB et par des bus exploités par la même société, y compris donc, et forcément, ceux de la place Rouppe. On peut y lire une étroite connectivité entre la fin de l'époque coloniale, ma date de naissance et l'apparition de la STIB. Jusque là, tout peut évidemment s'apparenter au hasard. Toutefois, si l'on se trouve précisément en cet endroit, on peut considérer comme remarquable de voir l'implantation d'une société dont le siège social se situe à l'avenue de la Toison d'Or. Il s'agit à tout le moins d'un jeu de mots qui convient bien à notre cher Van Helmont, alchimiste notable qui aurait pu disposer de la pierre philosophale. Cela ne serait qu'un hasard de plus si la place Rouppe ne voyait pas l'une de ses rues adjacentes y aboutir, la rue Van Helmont ! Ici aussi, je peux vous garantir que je n'avais aucune idée de l'existence de cette rue ou plus exactement de son nom. Il est clair que j'avais très probablement aperçu cette rue, au même titre que les autres, mais j'étais loin de pouvoir réaliser un rapprochement !
Dans les coïncidences assez particulières qu'il me semble bon de signaler, disons aussi que c'est à proximité immédiate de cette même place que réside l'un de nos membres les plus importants : M. Jean-Paul Godu (je n'allais le rencontrer que bien des années plus tard et il allait constituer, qu'il le veuille ou non, un tournant décisif dans ma vie) Mais ce n'est pas tout !
En effet, Van Helmont est aussi le nom de famille de l'un de mes oncles, l'autre étant Vandersteen... (Tous deux décédés, désormais). Même si tout cela n'est que du hasard pur et dur, il faut avouer que c'est assez fort de café !
Je n'ai bien sûr pas vu tout ces détails dans le phénomène de perception qui avait été mien à l'époque et même si tel avait pu être le cas, je n'y aurais rien compris ! Forcément puisque ledit Van Helmont n'allait apparaître que quelques années plus tard. Ne sachant pas lire, je ne me souciais que fort peu des aventures de Bob et Bobette et même si j'en voyais les images, je ne pouvais pas comprendre l'analogie entre l'un de mes oncles et le dessinateur qui mit en scène le château de Beersel ! La Toison d'or m'était bien inconnue et je ne m'occupais pas des sièges sociaux d'entreprises. Je n'aurais de toute manière pas vu de rapport avec Van Helmont (l'alchimiste) n'ayant aucune idée de ce que pouvait être la pierre philosophale, quant au nom lui-même, il m'était aussi inconnu. Quant à ressentir quoi que ce soit à propos de M .Godu, c'était une impossibilité notoire puisque je n'allais entrer dans la vie professionnelle que plus de dix ans après et qu'il aurait fallu attendre encore une quinzaine d'autres années pour qu'un lien s'établisse ! Par ailleurs, son magasin de timbres n'existait pas encore ou venait seulement tout récemment de s'ouvrir et j'étais beaucoup trop petit pour lui proposer une transaction. Et pourtant, mon père disposait de timbres coloniaux plutôt intéressants, dont un avec le cachet spécial d'un haut représentant du Congo... marqué avec sa bague dans la cire.
Et je n'avais aucun moyen de connaître tout ça... mais je le savais, ou plutôt je le sentais !