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Une femme seule, dans un grand manoir du New Jersey plongé en plein brouillard, cela promet déjà. Ce ne sont
pas ses deux enfants qui vont arranger les choses : atteints de photosensibilité (pour des raisons médicales importantes, ils ne
peuvent, ni le garçon ni la fille, supporter la lumière vive mais tout au plus l'éclairage incertain d'une lampe à pétrole) puisque, dans ces
conditions, leur mère et eux sont obligés de vivre de façon permanente dans une oppressante obscurité.
Nous sommes au cours de la deuxième guerre mondiale et le mari est au front. Voilà le décor et le contexte
posés, une ambiance immédiatement propice à toutes les manifestations étranges. Mais celles-ci vont tarder à faire leur apparition et il faut
malgré tout une certaine dose de patience au spectateur pour ne pas zapper, c'est peut-être le seul reproche que l'on puisse faire à ce film
qui met en scène une Nicole Kidman éblouissante dans un rôle quelque peu inhabituel. Ce temps est toutefois mis à profit d'une part pour
apprendre les règles édictées par les circonstances : les tentures doivent impérativement être constamment tirées, on utilise un système de
sas qui consiste à fermer successivement toutes les portes, à clef de préférence, derrière soi, on est très parcimonieux en matière
d'éclairage et, accessoirement, l'éducation scolaire et spirituelle est assurée par la maîtresse de maison, très à cheval sur les principes,
autoritaire et pieuse) d'autre part pour faire la connaissance des domestiques, lesquels arrivent plus tard et qui sont au nombre de trois.
Ces trois personnes cadrent magnifiquement bien avec tout le reste : des gens d'une banalité presque
déconcertante, une ex-intendante, une muette et un vieux jardinier. Rien à signaler.
Doucement, toutefois, le doute va venir s'installer auprès des spectateurs confortablement installés et
sur le point de s'endormir. En effet, la petite fille fait état d'une présence, quelqu'un qui lui parle, se manifeste à elle seule. Et cette
singularité nous confronte immanquablement au peu de crédit que l'on accorde généralement au témoignage des enfants. Ce témoignage isolé ne
peut en aucune façon tenir devant le caractère très rationnel qui règne depuis le début du film. On pourrait donc fermer la parenthèse. Sauf
que...
Sauf que ces manifestations vont perdurer, se multiplier, gagner en intensité et le doute se faire plus
prenant. Et tout est absolument plausible. A ce stade des choses, on ne parlera pas encore de fantôme(s) mais l'idée est évoquée, suggérée et ce
jeu de menaces latentes, de présence furtive, d'incertitude a tôt fait de laisser libre cours à la puissance de notre imagination. Et celle-ci
va jouer son rôle à fond !
L'énigme va cependant s'épaissir lorsque le piano se mettra à jouer apparemment seul et lorsque Nicole
Kidman recevra la porte qu'elle examinait (afin de déterminer si elle pouvait effectivement se refermer toute seule, comme cela arrive
parfois) en pleine figure ! Si on ajoute à cela la découverte d'un macabre album de photos de défunts, les dessins de la fillette qui
représentent l'un des "intrus" (car il y en aurait plusieurs) sous la forme d'une veille dame assez terrifiante, et ce qu'elle rapporte, à
savoir que ces intrus veulent qu'ils quittent la maison menaçant même d'ôter toutes les tentures, on comprend que la mère prenne la décision
d'ailler trouver le curé du village en vue de procéder à une bénédiction de la maison en question.
Le jardinier retire les feuilles mortes qui recouvrent les tombes des trois domestiques... ceux-ci sont
des fantômes ! Acculée chez elle devant cette triple révélation, Nicole Kidman va se trouver invitée par le trio à écouter ce que les "intrus"
ont à lui dire. Lorsqu'elle les apercevra enfin, elle tombera en pleine séance de spiritisme : ces gens ne la voient pas, ils peuvent seulement
transcrire ses paroles sur papier comme si elles étaient perçues par un médium ! Complètement décontenancée comme on peut le comprendre, elle
s'emparera de ces papiers pour les déchirer et leur jeter à la figure ce que l'assistance de spirites interprétera comme un signe de la présence
du fantôme. Mais quel fantôme ?
Le dénouement, complètement inattendu, est le suivant : les spirites sont des gens "normaux", pas des fantômes.
C'est absolument inconsciente de sa condition et de celle de ses nouveaux vis-à-vis que la maîtresse de maison a interprété les choses
comme telles. En réalité, Nicole Kidman était morte "sans le savoir". Ce n'est qu'alors qu'elle se rappelle avoir étouffé des enfants à l'aide
d'un oreiller avant de retourner son fusil sur elle-même et de presser la détente. Lorsqu'elle s'était "réveillée", elle avait cru à un mauvais
rêve. Probablement ce mauvais rêve qui lui avait tiré le hurlement auquel on assiste au début du film et au terme duquel les spectateurs
comprennent qu'elle a "tout simplement fait un cauchemar"...
Avec "The others", Alejandro Amenabar
démontre toute son intelligence et ses connaissances de la psychologie de l'Homme face aux phénomènes mystérieux. Pour commencer, il ne tombe
pas dans le piège des effets spéciaux à tours de bras, ne nous impose pas des flots d'hémoglobine ni des visions d'horreur aussi
granguignolesques que cauchemardesques mais se rallie au savoir-faire d'un Hitchkock de la meilleure veine. Le film gagne aussitôt en
crédibilité, le spectateur ne peut que rentrer dans son jeu et le traquenard va se refermer inexorablement.
Mais c'est compter sans le brouillard
qui règne en maître depuis de nombreux jours et qui empêche toute communication avec le reste du monde (il n'y a forcément pas de
télévision, pas de téléphone, pas de radio, le silence étant aussi de mise) et la détermination de la belle fond comme neige au soleil. Alors
qu'elle est sur le point de revenir sur ses pas, elle rencontre toutefois son mari, qui semble plus mort que vif (mais là encore tout
reste parfaitement dans le domaine du crédible, l'homme est sous le choc des atrocités de la guerre, fatigué, éreinté, il avoue d'ailleurs que
"parfois, il saigne"). Elle rentre donc chez elle avec son permissionnaire et il n'y a apparemment aucun doute qu'elle ait affaire
à un être de chair et d'os, l'accolade est là pour en attester, le baiser aussi, l'amour enfin.
Mais les phénomènes persistent et la maîtresse de maison semble commencer à perdre pied face à la vue de sa fille en robe de
communiante, qu'elle prend pour la veille femme acariâtre et gifle violemment avant de tenter de l'étrangler. Le mutisme du mari et son
indifférence sont également troublants et celui-ci ne tarde pas à signaler qu'il doit repartir...
La fin du film prendra tout le monde à contre-pied, immanquablement. Quand on commence à comprendre, il est déjà trop tard !
Entre le rêve et la réalité, la frontière est parfois bien mince et les fantômes ne sont pas toujours ceux que l'on croit !
Réalisateur : Alejandro Amenábar
Acteurs : Nicole Kidman , Fionnula Flanagan , Christopher Eccleston ,
Elaine Cassidy
Style : Thriller / Horreur
Durée : 1.40
Date de sortie : 16-01-2002
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