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Centre d'Études et de Recherches
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sur les
Phénomènes Inexpliqués
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La Vierge Marie, et parfois même le Christ, les récits relatant des apparitions sont nombreux.
La France, fille aînée de l'Église, est évidement touchée par ce phénomène. Mais si certaines apparitions sont demeurées célèbres, rares sont ceux qui se souviennent de Anne-Marie Coste, une jeune lyonnaise qui prétendit voir la Vierge à Lyon en 1882 et 1883.
Le 20 janvier 1859, Virginie Germaine Etievant épousa solennellement Jean Coste, jeune corrézien, tailleur de pierres de son état. Le ménage s'installa 38 rue de Saint-Cyr à Vaise. C'est dans ce quartier populaire que, le 03 août 1861, la première de leurs dix enfants vit le jour. Pour l'état-civil, elle se prénommait Anne, à l'église elle fut baptisée Anne-Marie, mais pour ces proches, elle était simplement Annette.
La famille Coste était modeste. Très tôt, l'enfant dut seconder ses parents et les aider financièrement. De constitution fragile, Annette supporta difficilement les travaux pénibles. Souffrant de la poitrine et atteinte d'une grave maladie osseuse (la phtisie), elle fût hospitalisée à la Croix-Rousse. Elle avait alors dix-huit ans.
Allongée, la colonne vertébrale maintenue par un lourd corset de fer, Annette vécut trois années de douleurs et de tourments.
Une rencontre cependant éclaira ces jours difficiles. Pendant un an, elle partagea sa chambre avec Mademoiselle Deguerry, jeune catholique qui rêvait d'appartenir à la congrégation de la Sainte Vierge. À la mort de son amie, Annette souhaita à son tour intégrer cette communauté. Elle devait être admise en décembre 1882, pour la fête de l'Immaculée Conception, mais un événement inattendu en décida autrement.
6 novembre 1882, Annette était étendue, dans la chambre commune de l'hôpital, rideaux tirés autour de son lit. Il était tard et elle s'apprêtait à dormir lorsqu'elle entendit une voix l'appeler «Anne-Marie». Surprise, elle se souleva légèrement et se trouva enveloppée de lumière. Une femme se tenait
à ses côtés. Sa tête était ornée d'un diadème. Dans ses bras, un enfant portait un petit globe terrestre surmonté d'une croix entaillée en trois endroits. Annette reconnut aussitôt Notre-Dame-de-Fourvière.
Est-ce un hasard si, dans ses prières, c'était toujours sous cette forme que la jeune fille aimait se représenter Marie ?
Lors de cette apparition, la Vierge offrit à Annette une couronne composée de quatre fleurs blanches. La première pour la grande confiance que la petite malade lui témoignait quotidiennement. La seconde pour son amour de la pauvreté et sa pitié pour les pauvres. La troisième pour ses prières répétées en faveur des âmes du purgatoire et la quatrième pour sa soumission à la volonté de Dieu.
Quatre fleurs, c'est bien peu pour une couronne, mais la Vierge lui assura qu'elle en gagnerait beaucoup d'autres, grâce aux épreuves et aux souffrances que la vie lui imposerait. Lors de cette visite, Marie prédit de graves inondations, mais promit d'épargner Lyon. Elle parla également d'une grande guerre. Était-ce celle de 14 - 18 ? Cela semble encore bien lointain ! En revanche, le Rhône et la Saône débordèrent en décembre 1882, ravageant plusieurs villes voisines. Lyon échappa «miraculeusement» à cette catastrophe. Faut-il y voir un signe ?
Pour information, aucun malade présent ce soir là dans la chambre commune ne vit ni n'entendit quoi que ce soit.
Nul ne sait ce qu'il advint de la couronne de fleurs…
Le mois suivant, Annette quitta l'hôpital. Elle fut généreusement accueillie par la famille Deguerry qui lui aménagea une chambre dans la soupente de leur appartement, au deuxième étage du 26 rue Claude-Joseph Bonnet, dans le 4ème arrondissement de Lyon.
Les semaines passèrent et, le 2 janvier 1883 à 22h00, Annette eut une nouvelle vision. Suivant les conseils de son confesseur, elle aspergea l'apparition d'eau bénite. La Vierge se contenta de sourire et invita la jeune fille à prier avec elle. Lors de cette visite, Marie se plaignit d'être une mère abandonnée. Son peuple devait se convertir et faire pénitence. De lourds châtiments attendaient les pêcheurs. La Vierge les confia à Annette mais lui interdit de les révéler à quiconque. Elle montra à la jeune fille une médaille en lui disant : «Vous en ferez faire de semblables; Je veux que mes fidèles serviteurs les portent. Elles seront leur protection». Craignant de ne pas être crue, Annette souhaita garder la médaille, mais la Vierge s'y opposa : «Mes preuves, ce sont ma prédiction contre les inondations et ta guérison car tu vas guérir». Elle quitta la jeune fille sur ces mots : «Nouvelle année, nouvelle vie».
À son réveil le lendemain, Annette était guérie.
Mais malgré ce miracle, les apparitions lyonnaises ne marquèrent pas l'histoire de la chrétienté. Comment expliquer ce détachement de la religion alors que des cas similaires retinrent l'attention du clergé ?
Anne-Marie Coste serait peut-être devenue célèbre si l'aventure s'était arrêtée à cette époque. Il n'en est rien. En tout, la jeune fille prétendit voir la Vierge dix-neuf fois en l'espace de quelques mois. Souhaitant toujours devenir religieuse, elle intégra rapidement le Sacré-Cœur de Grandis dans le Beaujolais. C'est là qu'elle eut deux nouvelles apparitions, les 3 et 13 mars 1883. Marie lui demanda de quitter le couvent car ses parents, gravement malades, avaient besoin d'elle. Obéissante, Annette abandonna Grandis et devint lingère. Sur son lieu de travail, à Bellecour, elle eut trois autres visions, le 30 mars, le 17 avril et le 22 avril 1883. La Vierge lui reprocha de ne pas avoir fait frapper les médailles, comme elle le lui avait demandé en janvier. Annette ne logeait plus chez la famille Deguerry, mais elle lui rendait visite de temps à autre. Dans la soupente du 26 rue Claude-Joseph Bonnet, elle vit encore deux fois Marie, le 7 avril et le 6 août 1883. Enfin, elle eut de nombreuses apparitions au 42 rue de la Duchère alors qu'elle louait une chambre chez Madame Ferraton. Selon ses dires, la Vierge lui rendit visite le 1 mai le 4 mai, le 21 mai, le 30 mai, le 14 juin, le 30 juin, le 11 juillet, le 2 septembre et le 22 septembre. Cette multitude d'apparitions discréditèrent la jeune fille. Un dialogue, sans intérêt connu pour l'humanité, s'instaura entre Marie et elle. Annette parla
à la Vierge de ses amis, lui demanda conseil et l‘interrogea sur les sujets personnels. Comme le 14 mai 1883 où, anéantie par le décès de sa mère, elle évoqua ce drame avec Marie. De même, la Vierge ne fit plus de prédictions. Ses paroles s'adressèrent uniquement à Annette. Elle lui demanda par exemple d'intégrer les Sœurs de Saint-Joseph ou encore, de choisir, entre deux noms religieux : Sœur Marie de l'Eucharistie ou Sœur Marie de la croix brisée.
L'apparition du 22 septembre 1883 fut la dernière. Ses parents décédés, Annette décida de s'occuper seule de ses frères et sœurs. Émues par le courage de la jeune fille, des personnes charitables proposèrent d'adopter les enfants afin qu'elle puisse aller au bout de sa vocation. C'est ainsi qu'en 1885, Annette rejoignit les Sœurs de Saint-Joseph sous le nom de «Marie de l'Eucharistie». Cette communauté est implantée dans plusieurs villes de France. Annette vécut un temps à Lyon, puis à Trades, à Saint-Vallier et enfin à Saint-Priest-en-Jarez. C'est là qu'elle s'éteignit le 02 avril 1924. Les récits détaillés de chaque apparition sont conservés par les Sœurs de Saint-Joseph.
En 1883, les deux premières apparitions firent grand bruit. Très vite, le 26 rue Claude-Joseph Bonnet fut considéré comme un lieu saint. Avec le consentement de la famille Deguerry, la soupente fut tapissée de bleu, semée d'étoiles d'argent. Une lampe fut allumée en permanence devant une statue de la Vierge et un registre fut ouvert afin de noter d'éventuels miracles. Méfiantes, les autorités religieuses firent fermer le lieu. La soupente fut murée et l'appartement reloué.
En 1950, le nouveau propriétaire, Pierre Sbodio, remit les lieux en état et, jusqu'à sa mort en 1991, il accueillit les curieux et leur fit visiter gratuitement la petite chambre.
Cent vingt ans plus tard, que reste-t-il de Anne-Marie Coste ? Pratiquement rien. Les lyonnais oublièrent rapidement les faits. Aucune plaque commémoratrice ne fut posée au 26 rue Claude-Joseph Bonnet. La rue de la Duchère n'existe plus et le 38 rue de Saint-Cyr fut récemment démoli. Quelques rares articles et deux livres, «La croix brisée» (Mme Loizeau) et «La croix brisée sur le globe» (Gilles Lamerie), relatèrent les événements.
Mais si elle fut incomprise en France, Anne-Marie Coste n'en n'est pas moins populaire dans d'autres pays d'Europe.
Nous devons cet article à
Mme
Sylviane Putinier, correspondante du CERPI que nous
remercions cordialement.
Les remarques du CERPI :
Comme l'a très bien mis en évidence notre
correspondante, ce qui a plus que très probablement nuit
à la célébrité d'Anne-Marie Coste réside dans la
surabondance des apparitions de la Vierge. Ce
genre de manifestation, spectaculaire et importante à
souhait, se veut évidemment déjà rarissime en soi et ne
manque pas de soulever toutes les suspicions que l'on
imagine, dès la première itération. Dans ces
conditions, la répétition "exagérée" du phénomène rend
les choses très indigestes pour l'Église,
déjà peu encline à admettre miracles et apparitions.
Et pourtant, le vrai n'est bien souvent pas
vraisemblable !
On peut se demander pourquoi Anne devint Anne-Marie lors
de son baptême. Une inspiration soudaine des
personnes concernées ? Ce qui est certain, c'est que,
aux yeux de l'Église, le prénom Anne est déjà bien
suffisant pour être chrétien, sainte Anne existe bel et
bien au calendrier. Anne était la maman de Marie,
elle-même mère de Jésus. Dans le cas présent, cela
constitue donc une forme de redondance particulière
capable d'engendrer des suppositions troublantes.
Nous citons : "...Est-ce un hasard si, dans ses prières, c'était toujours sous cette forme que la jeune fille aimait se représenter Marie ?...".
Remarquons ici que les entités à caractère religieux,
d'origine divine ou maligne revêtent cette
caractéristique et il ne s'agit pas d'une erreur ni
d'une invention. En démonologie, nous verrons que
les démons peuvent se présenter aux témoins sous la forme à laquelle
les intéressés s'attendent à les voir (en relation avec
l'iconographie), ou au contraire sous une forme complètement différente
et éventuellement trompeuse ou encore sans forme particulière.
Outre le manichéisme évident, cela leur permet une approche en douceur
dans laquelle la personne reconnaît instantanément l'apparition par ses
attributs, d'autre part, cela permet aussi de paraître encore plus
redoutable et impressionnant ou d'endormir la méfiance sous des aspects
très anodins.
Autre citation : "...Pour information, aucun malade présent ce soir là dans la chambre commune ne vit ni n'entendit quoi que ce soit...."
Il ne faut pas voir là un signe qui infirmerait tout le témoignage.
Il est assez fréquent que des entités se manifestent à certaines
personnes uniquement alors que d'autres sont présentes et ne remarquent
rien. N'oublions pas que, par définition, Marie est devenue une
"entité" évoluant sur un autre plan vibratoire, il s'agit d'une énergie
à rapprocher de celle de nos fantômes et dont la perception peut
dépendre d'une sensibilité et d'une prédisposition particulières.
Par ailleurs, on notera qu'un rideau était tiré.
Remarque : "...Suivant les conseils de son
confesseur, elle aspergea l'apparition d'eau bénite...." N'est-ce
pas là une curieuse façon de remercier une apparition qui aurait sauvé
la ville des inondations ? Curieuse réaction en effet que
d'assimiler apparemment cette apparition à une entité à caractère
malfaisant. On peut donc supposer qu'il y ait eu initialement soupçon
d'usurpation d'identité, un peu comme dans le cas d'Arc-Wattripont.
NB : A notre connaissance,les photos
présentes dans cette page ont été prises par Sylviane Putinier
elle-même. Sylviane, à l'époque de la rédaction de ce texte habitait
d'ailleurs Lyon.