Le diable

Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

LE DIABLE

APPROCHES DE DÉFINITION

Le diable constitue évidemment le personnage central de la démonologie. Nous allons voir que son étude aboutit rapidement à ce qui ressemble furieusement à autant de contradictions, lesquelles commencent dès qu'il est question d'en établir une définition.

Selon le christianisme (et cette religion est loin d'être la seule à avoir recours à une entité considérée comme une personnification du mal) le Diable (latin : diabolus, du grec diabolos) est l'esprit ou le principe du mal.  Il s'agit d'un ange déchu. Contrairement à une croyance populaire, il n'est pas l'opposé de Dieu, comme le dit Priscillien, car en tant qu'ange, il est et reste une des créatures de Dieu. Il représente la personnification du mal, personnification qui apparaît au VIe siècle av. J.-C.. Son aspect varie entre l'homme et l'animal réel ou imaginaire (bouc, dragon, rapace, etc.), le plus souvent aux traits hideux et repoussants.
Une première remarque est à formuler à propos de cette définition : bien que l'origine du diable soit communément attribuée à la déchéance d'un ange, le fait est immédiatement à mettre sous caution puisque datant d'avant la genèse.  Il ne peut être ici question d'aucun témoignage que l'on ne puisse lui-même mettre en doute.  Nous verrons aussi qu'il est dangereux d'enfermer le diable dans une ou plusieurs représentations, que celles-ci soient hideuses ou pas (on parle d'ailleurs aussi de "beauté du diable"). L'étymologie nous renseigne quant à elle que le mot "Diable" provient du grec diabolos (de diabolein = séparer) qui signifie calomniateur et qui est l'inverse du grec symbolon: rapprochement.  Mais ici aussi les termes utilisés nous semblent inadéquats ou approximatifs.  Pour ce qui nous concerne nous préférerions "diviseur" et nous irons jusqu'à prétendre que ce terme revêt une importance toute particulière dans notre étude à propos de la démonologie.

Dans l'article de Wikipédia qui a partiellement inspiré le début de ce dossier (http://fr.wikipedia.org/wiki/Personnification_du_mal) et qui est beaucoup plus complet que ce qui figure sur cette page, on trouve un point intéressant :

Il semble que la notion de division de puissance en une force du bien et une du mal soit relativement récente dans l’histoire des croyances. Dans les cultes plus primitifs, le bien et le mal sont tous deux issus de la même déité, puisque celle-ci était considérée comme contenant tout ce qui existe. La même déité était donc à la fois capable de bien et de mal. Un exemple en est donné par la déesse à tête de lionne de l’Égypte antique Sekhmet qui détruisit l’humanité (sur ordre de Rê) mais était aussi vénérée pour son pouvoir de protection et de guérison, ou encore Seth qui usurpa le trône à Osiris mais qui permettait aussi au soleil de se lever chaque matin en combattant Apophis. On peut aussi citer Loki, dieu scandinave qui tua vicieusement Balder, mais qui sauva le domaine des dieux Aesirs de la géante Skadi.

DIFFÉRENTES THÉORIES

Il n'est guère étonnant que l'on se perde dans les définitions lorsque l'on veut en attribuer une au diable.  C'est qu'il se cache sous différents noms dont les plus inattendus, et si chacun connaît Satan, Belzébuth ou Lucifer il en est moins pour connaître "Le Maufé" ou "Légion(s)". Mais ce n'est pas tout.  Comme les témoins oculaires manquent forcément pour savoir ce qui s'est réellement passé au paradis, on est bien obligé de prendre en considérations plusieurs hypothèses.
Selon l'une d'elles, Dieu était jadis entouré d'anges très puissants dont celui qui allait un jour devenir le diable.  Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes (ce qui s'entend au paradis) jusqu'au moment où survinrent certaines dissidences, des divergences de vues, une rébellion contre le pouvoir totalitaire ?  Bref, ce n'était plus franchement la grande entente et deux clans s'étaient formés.  "Le Tout Puissant" se devait donc de remettre de l'ordre dans tout ce bazar et il s'ensuivit une grande bataille, emmenée notamment par l'archange Saint-Michel (mais il n'était pas le seul).  Inutile de dire, supposons-nous, que cela n'a pas été du gâteau, mais finalement ce sont les blancs qui ont gagné, le diable et les siens ont été renvoyés et condamnés à errer sur terre jusqu'à la fin des temps ou presque.  Bien sûr, le diable et les siens ne rêvaient que de vengeance et comme ils ne pouvaient plus s'opposer directement au principal adversaire, ils durent bien se résigner à tenter de lui nuire via ses créatures, entendez : les humains.
Selon une autre théorie, assez proche de la première, le diable serait en fait le frère de Dieu.  La suite est quasiment identique : dispute entre les deux frangins avec le résultat que l'on connaît.  Toutefois, la nuance est d'importance car, dans ce cas, non seulement cette histoire de famille viendrait compliquer considérablement ce que l'on croit connaître en matière de généalogie divine mais aussi se rapprocherait-on de la cause dualiste.
C'est avec certaines versions mythologiques que l'on se rapproche davantage de l'idée d'une dualité ou ambivalence dans la personne même de Dieu.  Ce dernier serait Amour, clémence, etc. mais il aurait aussi ses mauvais jours, ses penchants mauvais.  Bref, ce serait un agent double et les tentations dont nous faisons tous l'objet trouveraient leur utilité dans le fait de prendre parti pour l'une de ces deux tendances.  Toutefois, cette hypothèse rend difficile le concept du Jugement dernier puisque les contre argumentations viendraient facilement à l'esprit.  Dans cette optique, il était plus commode de se rallier à la première proposition, plus défendable et acceptable, même s'il semble clair qu'elle émane toujours d'une parabole et que personne ne détient le mot de la fin.

UNE CERTITUDE ÉVIDENTE ?

La seule chose dont on puisse être certain jusqu'ici, est que le mal existe.  C'est évidemment facile à accepter, une évidence claire et nette. Du moins le pensons-nous, précisément parce que cela nous paraît aussi évident.  Cependant, il est primordial de signaler ici que les notions de bien et de mal sont loin d'être aussi évidentes qu'il n'y paraît.  Le mot "mal" permet d'ailleurs d'assurer immédiatement la transition avec "Malin" que l'on interprète volontiers dans le langage courant comme s'il signifiait "intelligent". Or, malin ne signifie pas vraiment "intelligent" mais plutôt "enclin au mal", nous dirions : "doté d'une intelligence vouée au mal". (exemples : une tumeur maligne, "il manifestait un malin plaisir à le tourmenter"...)
Mais revenions sur nos notions de bien et de mal.  Il est très probable que vos expériences personnelles vous aient déjà emmenés à vous apercevoir que tout n'était pas forcément tout blanc ou tout noir, que tout ne pouvait pas toujours se cantonner dans des appellations bien tranchées, qu'il existait parfois des nuances, assez subtiles.  Nous allons citer ici deux exemples qui valent ce qu'ils valent mais qui auront au moins le mérite d'illustrer une pensée : nous savons que le mensonge est "un vilain péché", c'est mal. Bon. Donc, il faut toujours dire la vérité.  C'est bien ce que papa et maman vous auront toujours dit.  Seulement voilà, on sait aussi que la vérité n'est pas toujours bonne à dire, dans certains cas il vaut mieux la taire, quitte à éviter la question mais cela ne peut généralement pas perdurer éternellement.  Dans certains cas, on sera donc parfois obligé de mentir pour éviter de "faire du mal".  Serait-il donc à ce moment là correct de mentir ? Et que dire de la personne qui "prendra un malin plaisir" à dévoiler la vérité (éventuellement sous le prétexte plus ou moins fallacieux d'éviter de commettre un péché, ce qui serait "mal") dans le seul but de faire du mal à la personne qui apprendra donc ce qu'il aurait peut-être mieux valu qu'il ne sache jamais ? Hé !  Voilà une situation délicate, un cas particulier mais qui arrive quand même assez souvent.  Passons à l'autre exemple.
Une caresse est une tendre attention en vue de faire le bien, de communiquer de l'affection, cela ne fait pas de doute.  Sauf si elle s'effectue, par exemple, sur la peau d'un écorché vif incapable de se défendre, sauf si elle est hypocrite et ne correspond donc pas à des sentiments réels mais s'accompagne (par exemple encore) d'une volonté bassement intéressée.  Dans cette même optique, les relations sexuelles représentent le bien lorsqu'elles se passent entre deux individus consentants qui concrétisent ainsi une entente amoureuse. Les mêmes relations sexuelles deviennent une abomination en cas de viol, alors même que l'un de deux partenaires pourrait être réellement amoureux de l'autre.  Elles deviennent très ambiguës dans le cas du sado-masochisme où les notions de bien et de mal deviennent étriquées puisque le "bien" consiste alors à faire "mal" et que dans cet entendement il serait mal de ne pas faire du bien à l'autre (c'est-à-dire du mal selon la conception habituelle, si vous nous suivez...)  Tout ceci ne représente pas une façon de jouer sur les mots mais une stricte vérité (et l'on pourrait multiplier les exemples : cette fameuse bombe atomique qui tua des milliers de personnes, surtout des civils, était-ce le bien ou le mal ?  Était-ce le mal parce que, par définition, elle a enlevé la vie à de très nombreux innocents ou (bien) était-ce le bien parce que cette intervention a mis fin à une guerre qui aurait pu entraîner plus de victimes encore ?)  Chacun comprendra que l'on peut être divisé dans les manières d'interpréter ces exemples mais aussi quant à la mise en pratique.
Ce que nous venons de décrire ici relève du type de division dont "le Malin" se rend responsable.  Ne parlons pas encore ici de personnification de cette "idée" mais de l'esprit. Car il s'agit bien d'une question d'esprit lorsque l'on se trouve confronté à l'exemple de la vérité ou du mensonge, sauf que, on l'a vu, le ver est dans le fruit et qu'il y a déplacement ou dénaturation de l'idée de base.  C'est bien une orientation d'esprit qui apportera une certaine réponse à la question portant sur la bombe atomique mais quelle que soit cette réponse elle bafouera une autre notion bénéfique ou positive. (On pourra rétorquer ici que la chose se passait en temps de guerre et que, dès lors, les interprétations deviennent toutes relatives, prennent une autre dimension et c'est assez vrai.  Mais quelles sont les origines des guerres sinon le résultat du truchement des idées de dirigeants (et donc de leurs interprétations face à certaines situations dont l'aspect conflictuel ne correspond pas forcément à l'idéologie populaire ou des réactions face à des agressions qui prennent le principe de non riposte en porte-à-faux (la joue gauche et la joue droite...)). La guerre n'est-elle d'ailleurs pas automatiquement une "division" (dans laquelle on engagera d'ailleurs des divisions...) Mais tout ceci est-il propre à justifier l'existence d'un "esprit malin" imputable au diable ?  Ne serait-il pas plus facile de parler de libre arbitre et de décisions (heureuses ou malheureuses selon les cas).  Ne serait-ce pas justement une solution de facilité que de rejeter la faute sur un esprit soi-disant "malin" ce qui dégagerait les responsabilités.  Dans toute cette histoire, pouvons-nous seulement tirer une conclusion qui tienne la route ?

Oui, sans aucun doute.  Il y en a même deux.  La première est que les notions très manichéennes de bien et de mal sont à prendre sous toutes réserves, les choses étant manifestement loin d'être aussi simples.  Quant à nous, nous serions (toutes questions de philosophies mises à part) plus attachés à l'idée orientale du yin et du yang symbolisés par ce cercle divisé en deux parties, l'une noire et l'autre blanche, mais dont la séparation est marquée par une courbe ou ondulation et non une droite et dont chaque partie est entachée d'un autre cercle, plus petit, de la couleur opposée.   Cette idée nous paraît plus proche de la réalité et évoquer beaucoup mieux le flou existant entre les notions et les nuances qu'il y a moyen d'y apporter.  La seconde réside dans le fait qu'il existe bel et bien un "esprit du mal" qu'il nous faut définir, dans l'immédiat et à défaut de mieux, comme une intelligence vouée à bafouer les conceptions de base ou tout du moins à les remettre en question.  Cette remise en question étant elle-même de nature à engendrer de plus ou moins larges manifestations (réalisations) appartenant à la tendance inverse.  Restons-en là pour l'instant avec ces considérations indigestes mais posons-nous la question : cet esprit est-il une simple corollaire de la condition humaine, provient-il au contraire d'une cause extérieure que certains appellent "le diable", cette cause pourrait-elle être le fait d'un esprit, quel serait alors son dessein ultime, sa finalité et quel rôle jouerions-nous sur cet étrange échiquier sur lequel nous évoluerions sans trop connaître les règles du jeu ?

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