Petit-Rechain - un petit coup de fil...

"Allo... je suis bien au CERPI ? C'est Samuel Ledoux, RTL-TVI, à l'appareil..."
"Enchanté, Michel Vanbockestal, du CERPI... que puis-je faire pour vous ?"
"En fait, nous préparons un reportage traitant d'ufologie et j'aurais voulu savoir si vous pourriez me communiquer le numéro de téléphone d'un responsable du COBEPS ?"
--- (...) ??? Ben voyons ! Voilà qu'un journaliste connu, de ce qui est probablement la chaîne télévisée la plus en vue en Belgique, qui téléphone au CERPI pour obtenir ce genre de renseignement ! Je tique un peu car, il me semble, ces numéros devraient leur être connus de longue date. Soit ! Le problème n'est pas là. Le problème c'est que, journaliste ou pas, le CERPI ne communique pas les numéros de tiers sans leur consentement. Il s'agit d'une règle sacro-sainte du groupement que ce respect élémentaire de la confidentialité. J'explique donc à mon interlocuteur qu'il me faut d'abord demander l'accord des intéressés avant de communiquer - ou pas - leur numéro. M. Ledoux comprend très bien et patiente donc un peu pendant que - sur une autre ligne (oui, il y a plusieurs téléphones au CERPI aussi...), je contacte M. Patrick Ferryn. Du moins, j'essaie, car il n'y a personne au bout du fil. Le fondateur du COBEPS est probablement en vacances. A cette époque de l'année, c'est plus que possible : c'est prévisible. Pas de chance non plus chez Michel Bougard, l'ancien Président de la SOBEPS. Je contacte donc alors Monsieur Lucien Clerebaut.
Ce dernier en a plus qu'assez des reportages, il en a subi des tonnes et n'a nulle envie d'en faire un de plus, fusse pour le Roi de Prusse, sauf s'il y avait du nouveau, bien sûr. Mais comme je ne sais pas de quoi il s'agit... Hé bien, désolé M. Ledoux, mais il n'y a pas moyen..."
Le journaliste insiste tant et plus mais M. Clerebaut reste inflexible. Par contre, il me donne l'autorisation de communiquer le numéro de M. Bougard qu'il me rappelle au passage. Bon ! On n'a apparemment pas les mêmes principes mais chacun fait comme il veut chez lui. Or donc, voilà qui est fait. Mais de mon côté l'insistance de S. Ledoux m'intrigue et j'essaie bien sûr d'en savoir plus. De quoi est-il question au juste ?
Il ne peut rien dire... secret professionnel, scoop en vue...
Je tente moi-même une proposition, m'apercevant par la même occasion que cela pourrait intéresser mon interlocuteur, mais ce n'est pas de cela dont il s'agit. Je tente une seconde fois ma chance : l'affaire de Petit-Rechain ? Pan ! En plein dans le mille ! Mais le journaliste n'en dira pas plus. J'apprends seulement qu'il y a du neuf de ce côté et que l'on en saura plus dès le lendemain, soit au journal de 13 heures soit lors de celui de 19 heures. Mais ce sera - me dit-il - plus vraisemblablement lors de ce dernier car, entre temps, il doit encore contacter quelqu'un.
Ce sera au journal de 13 heures.

La photo de Petit-Rechain était un faux. Un ressortissant verviétois est passé aux aveux : ce n'était qu'un canular monté de toutes pièces avec des collègues d'usine. La photo a été prise à partir d'une maquette en frigolite (polystyrène), suspendue à une escabelle avec des fils de nylon de pêche, peinte avec un reste de bombe acrylique et nantie de petites ampoules de lampe de poche aux extrémités, une autre au centre, peinte en rouge avec un marqueur indélébile.

L'information laisse pantois ! Comment tant d'experts ont-ils pu passer à côté de ça ? Comme tout ufologue, le sang ne fait qu'un tour, mais on réfléchit très vite aussi : voilà qui flanque un sérieux pavé dans la mare des ufologues, certes, mais cela ne remet pas pour autant la totalité de la vague belge en question. Cela va faire jazzer, ça c'est certain ! Les sceptiques vont jubiler, aussi. Mais les interrogations font aussi très vite surface et un vieux réflexe d'enquêteur émerge aussitôt : l'information est-elle avérée ?

Dans un premier temps, on ne pense plus à la maquette. Il faut se demander si on n’a pas tout simplement affaire à un imposteur. Entendez par là quelqu'un, n'importe qui en fait, qui prétendrait avoir réalisé un canular. Somme toute : s'agit-il d'un vrai canular ou d'une imposture à la supercherie, si vous suivez ?
Suite logique de l'affaire : il suffit de demander à Samuel Ledoux comment il a pu retrouver la trace de cet imposteur, là où il ne disposait déjà apparemment pas des numéros de téléphone des gens du COBEPS et où le nom du témoin de Petit-Rechain était conservé à l'abri de l'anonymat, derrière de simples initiales : P.M. Pour ma part, le vrai nom, in extenso, je le connais bien entendu et Samuel Ledoux sait que je sais. La question n'est pas là, la question est de savoir s'il s'agit bien de la même personne !
Le doute est rapidement dissipé comme en témoigne le reportage ci-dessous, dans lequel on voit que le professeur Meessen, ex-conseiller scientifique de la SOBEPS, reconnaît parfaitement le témoin de 1990, mais il me faut quand même savoir comment la piste a été remontée, puisque le témoin en question n'était connu que sous ses initiales P.M. (ce qui n'empêchait nullement les ufologues de connaître le nom complet. Mais y aurait t-il eu des fuites ?)

Je rappelle donc M. Ledoux et lui demande comment il a réussi à retrouver la trace du Patrick en question. Le journaliste me répond sans problème mais sa réponse me fait à son tour tiquer car dans un premier temps il m'explique que tout cela découle d'un long travail d'enquête que réalisaient les journalistes depuis tout un temps en vue du jubilé des 25 ans de la vague (?) et, dans un deuxième temps, il me dit que le "faussaire" de Petit-Rechain (comme il sera parfois surnommé) a téléphoné lui-même à RTL !
Alors, pas de conclusions hâtives : certes, les révélations du journaliste apparaissent comme parfaitement contradictoires et, en fait, on ne sait toujours pas quelle est la bonne version, soit le journaliste a fait preuve d'un humour particulier que je n'ai pas capté, soit il y a là une bizarrerie, une incompatibilité. Car c'est l'un ou l'autre, pas les deux ! Mais la suite des événements allait nous permettre de nous rendre compte par nous-mêmes.

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