Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

Là où les trams en sous-sol deviennent vraiment bizarres...


Jusqu'ici, nous avons surtout vu des trams en sous-sol dans des circonstances chronologiques éloignées, mais des trams tout ce qu'il y avait de plus réels et normaux. Les choses vont bien changer, de manière radicale et suivre très étrangement la voie de mes perceptions médiumniques.

Une excursion aux portes de l'étrange

Tout bruxellois le sait bien, se rendre dans le centre ville de la capitale représente toute une aventure ! Déjà, pour trouver un parking, il y intérêt à se lever tôt, à moins bien sûr d'utiliser un parking payant. Comme tout parking public qui se respecte (c'est du moins le cas à Bruxelles), ce ne sont pas les coins obscurs, les couloirs sombres communiquant avec d'autres couloirs qui y manquent. Sortir d'un parking bruxellois (et y retrouver sa voiture) c'est aussi participer à une espèce de jeu de pistes bizarroïde, dans lequel il faut jongler avec les niveaux - il faut parfois descendre des escaliers pour trouver l'ascenseur qui vous permettra de... monter, franchir d'étroits boyaux souvent mal éclairés et salles qui vous emmènent on ne sait où.

Cette fois pourtant, le périple semblait vraiment très long et les travaux rencontrés dans les couloirs de déviation mis à la disposition des clients du parking pour éviter d'autres travaux m'avaient obligé à bifurquer dans un embranchement qui donnait sur un couloir qui... bref : c'était compliqué et cela se présentait comme un véritable labyrinthe ! Quelques passages plus loin, surprise ! Mais alors là, vraiment, il s'agissait d'une surprise colossale, principalement pour un amateur de vieux trams comme moi ! Je me trouvais quasiment nez à nez avec un tram de la ligne 81, privé de rails et d'ailleurs également de roues et d'essieux, comme affalé sous une voûte de briques où ne régnait qu'une faible lueur blafarde. La rame était manifestement incomplète et sa présence complètement incongrue en ces lieux : aucune utilité, aucune raison, aucune explication non plus d'ailleurs !

Des pas résonnent dans un couloir voisin, une lueur apparaît, semble hésiter, puis s'éteint et le silence revient.

Où donc suis-je tombé ? Qu'est-ce que cette mascarade ?

Mon esprit rationnel reprend le dessus : il doit bien y avoir une explication à ce que j'ai devant les yeux, même si je n'en trouve pas dans l'immédiat. C'est tout à fait grotesque, cette présence est parfaitement saugrenue et pourquoi est-ce justement à moi que ce genre de trucs doit arriver ?Les Galeries Royales Saint-Hubert (fiche)

Comme je dispose de temps devant moi, ce qui est également assez phénoménal sans que cela n'ait quoi que ce soit en rapport avec le paranormal, je poursuis donc mon exploration pour constater très rapidement que je ne suis vraiment pas au bout de mes surprises ! J'ai beau examiner ce tram 81 sous tous ses angles, je ne trouve aucune explication logique. Transporter un tram en cet endroit n'a aucun sens, la rame semble avoir été restaurée en vue d'une seconde vie et pourtant le travail est incomplet, une foule de détails sont manquants, à commencer par la cabine du contrôleur, ce deuxième comparse que l'on trouvait immanquablement dans les trams d'autrefois, bien avant l'instauration du système OMC (One man car, entendez "un seul homme par véhicule", lequel s'occupe à la fois de le conduire et de délivrer les titres de transport) Il y a donc ici quelque chose de terriblement anachronique. Si j'avais pénétré involontairement un musée souterrain dédié aux trams, les personnes qui s'en occupaient manquaient de documentation. A moins bien sûr que ce tram doive resservir de manière actualisée, c'est-à-dire sans personne pour veiller aux fraudes et avec un système d'oblitérateurs. Mais dans ce cas, que faisait-il dans cette espèce de crypte, sans caténaire, sans rails, sans roues ?

Mentalement, j'essaie alors de me situer dans le dédale parcouru. Ce n'est évidemment pas facile dans de pareilles conditions où les points de repère manquent justement. J'essaie de me remémorer mes différentes bifurcations, d'estimer le chemin parcouru et j'estime me trouver plus ou moins sous la place De Brouckère. Toutefois, ça aussi paraît assez invraisemblable puisque le sous-sol de celle-ci est à présent occupé par les installations du prémétro et du métro. Je n'ai donc d'autre alternative que de poursuivre mon chemin en espérant trouver quelqu'un qui pourrait me renseigner. Mais il n'y a personne. Tout au plus entend-t-on quelques fois un bruit sourd et prolongé, comme le passage d'un véhicule lourd dans une galerie voisine, probablement dois-je me trouver non loin d'une station souterraine "officielle", car celle-ci me paraît des plus fantaisistes ! Il n'y a d'ailleurs aucune pancarte, aucun panneau indicateur, aucune affiche qui permette d'apprendre quoi que ce soit.

Les Galeries Royales Saint-Hubert (fiche)

Un peu plus loin, mais les apparences dont trompeuses en ces lieux, différents objets m'apparaissent dans un contexte tout aussi incompréhensible. Il s'agit cette fois d'une balustrade de la Maison du Peuple de Victor Horta (architecte belge célèbre dont on retrouve la trace dans de très nombreux édifices bruxellois (la gare centrale, entre autres).

Si je parviens à identifier l'objet, ce n'est pas tant grâce à mes connaissances personnelles que parce que, pour une fois, un panneau l'indique. Il y a, cette fois aussi des rampes de spots (éteints) et il devient envisageable que je me trouve effectivement dans une sorte de musée, que ce dernier ne soit pas encore ouvert faute de finalisation. Mais quelque chose ne tient pas non plus dans cette hypothèse : nous sommes à Bruxelles et les explications devraient donc figurer en français et en néerlandais. On s'attend aussi qu'un musée bruxellois prenne la peine d'afficher ses indications en anglais et en allemand, or il n'en est rien. De plus, les indications en question sont très laconiques, ne semblent nullement s'adresser à un visiteur potentiel, ce serait plutôt du technique hermétique avec, de surcroît, d'autres annotations sans rapport ou complètement impossibles à interpréter.

Tout en avançant de salle en salle, certaines étant parfois aussi immenses que vides, je tente de trouver un quelconque élément qui puisse m'éclairer quant à l'endroit où je me trouve. Au bout d'un certain temps, vu la complexité des lieux, je finis par me dire qu'il va devenir très difficile de retrouver la sortie. Cela ne m'angoisse toutefois guère pour l'instant car il est encore tôt dans la journée, je suis dévoré par la curiosité et celle-ci prime momentanément sur les règles élémentaires de prudence. Par ailleurs, un autre mystère me vient provisoirement en aide : les lieux ne sont pas éclairés, ils sont souterrains et pourtant on peut y évoluer sans trop de mal, à l'exception toutefois de certaines salles, plongées dans une obscurité totale et où je préfère donc ne pas m'engager. Enfin, je finirai tout de même bien par rencontrer quelqu'un et l'aventure se terminera là, peut-être au prix d'une engueulade, voire d'une amende que je compte bien contester avant même de l'avoir reçue !

A certains moments, le spectacle qui s'offre à moi devient complètement délirant, c'est en tous cas l'impression que cela me donne : j'aboutis dans ce que je comprends immédiatement être une station de métro abandonnée, métro ou prémétro, difficile à dire car ce n'est pas vraiment ma tasse de thé (ma spécialité réside plutôt dans les trams en surface et certains tunnels courts qui ont ma prédilection et que je connaissais bien dans les années 60.) Mais il n'y a pas le moindre voyageur, pas un seul visiteur, aucun guide ni garde. Je suis seul !

L'ouvrage que je parcours à présent est réellement titanesque et toujours aussi désert. Il existe un éclairage électrique, tout à fait moderne, mais celui-ci semble oublié depuis belle lurette en dépit de toutes les considérations habituelles sur les économies d'énergie. Cela ne manque pas de me faire penser à ces routes qui sont éclairées le jour et plongées dans le noir la nuit... Au point où j'en suis, je n'ai plus beaucoup le choix, il ne me reste qu'à continuer en me disant qu'on verrait bien où tout cela allait me mener et que pour rejoindre ma voiture j'aurais bientôt besoin d'un taxi !

En tous cas, ce qui est sûr c'est que mon hypothèse du musée vient de tomber à l'eau à moins qu'il ne s'agisse de complexes différents et communicants. Je ne comprends pas l'absence de surveillance des locaux et j'ai abandonné depuis un bon bout de temps l'idée d'essayer de me situer par rapport à la surface. La distance parcourue me paraît de plus en plus impressionnante et partout le même spectacle s'offre à moi : ce sont de vastes salles vides, dans lesquelles pourraient facilement passer deux lignes de tram, voire davantage en certains endroits, avec des quais nus, sans aucune décoration ni indication, des volées d'escaliers, des plans inclinés. Je dois donc me trouver dans un réseau souterrain désaffecté, ou abandonné, ou restant encore à attribuer. A en juger par les matériaux mis en oeuvre et leur relative fraîcheur, je penche plutôt pour la dernière solution. Il faudra bien que tout cela me mène quelque part, de préférence à l'air libre.

Mais l'excursion se prolonge et se prolonge encore, elle semble ne pas avoir de fin. Un certain malaise s'empare de moi, la soif commence aussi à se faire sentir. Depuis combien de temps suis-je en route ? Je consulte ma montre, fais un rapide calcul pour conclure que, mine de rien, je peux avoir parcouru plusieurs kilomètres !

L'aspect général des lieux change soudain au détour d'un mur et je reste interloqué. Comment qualifier les parois qui m'entourent ? Il s'agit de bois sculpté qui semblent représenter des buildings ou des façades avec des fenêtres et de l'une d'elles sort l'avant d'un tram, encore un 81, modèle assez semblable. Un leitmotiv ?

Quelle est donc à présent la signification de ce tram qui sort du mur ? Dois-je en conclure que le précédent que j'avais vu n'était pas affalé comme je le supposais mais "sortait de terre"? Ou du moins que telle était l'impression que tentait de donner l'oeuvre en question, pour le cas où tout cela émane d'une volonté artistique et que l'on en revienne à l'idée peu probable d'un musée...

Les bruits me semblent cette fois beaucoup plus évidents, plus proches, on entend aussi le brouhaha d'une foule à proximité. Je ne vais probablement pas tarder à trouver une sortie, quant à une explication c'est autre chose !

Comme de fait, je me retrouve dans un couloir comprenant plusieurs portes. Mais en tentant de les ouvrir, ma joie est de courte durée car elles sont toutes fermées à clef et je ne suis pas pus avancé.

L'une d'elles finit par s'ouvrir et de l'autre côté : une station de prémétro, des escalators, des gens qui se dépêchent pour aller travailler... me voilà sauvé !

Mais la surprise me joue des tours, la porte m'échappe et se referme derrière moi avec un bruit mat. L'inscription qui m'apparaît alors est éloquente : "entrée interdite - verboden ingang". Or donc, sans le faire exprès, je venais de visiter des lieux interdits au public.

Il ne me restait plus qu'à identifier la station en question et à élaborer mon chemin de retour, le moyen était tout indiqué : il suffisait de prendre... le tram ! Mais il était dit que cela ne se ferait pas sans de nouvelles surprises : en remontant vers l'extérieur, mon attention fut attirée par une particularité des lieux. Je retrouvais là des idées empruntées à ce que j'avais vu dans mon escapade illicite : des buildings, un paysage de style américain ou futuriste et des trams qui sortent des murs ! Je me trouvais porte de Halle, à quelques pas de la rue haute où j'étais né ! J'avais parcouru deux à trois kilomètres en dessous du centre ville, sans rencontrer âme qui vive, avec des objets hétéroclites et mystérieux pour m'accompagner.

Plus tard, je m'employai évidemment à me documenter sur l'excursion pour le moins insolite de ce jour là. J'ai ainsi appris que bon nombre de stations de métro ou de prémétro sont décorées selon des thèmes bien particuliers. Celui-ci devait être le monde de François Schuiten et Benoit Peeters qui, dans plusieurs bandes dessinées, mettent en scène l'alter ego mystérieux de Bruxelles, son double ou si vous préférez, le Bruxelles parallèle, nomme Brüsel. Ces deux artistes n'hésitent pas à évoquer des lieux de passage permettant de joindre l'un ou l'autre, soit le Bruxelles réel, soit son double, répondant à d'autres lois, d'autres impératifs, avec une histoire tantôt parallèle tantôt divergente, un truc apparemment assez compliqué qu'il est préférable d'avoir lu depuis le début. Pourtant, cela n'expliquait pas tout, loin de là.

Cela n'expliquait en rien les gigantesques salles vides que j'avais franchies, ni pourquoi ces trams étaient représentés comme sortant des murs (une vocation qu'ils n'ont pas d'habitude, ça se saurait !), ni pourquoi j'avais pu parcourir une si longue distance souterraine, en des endroits interdits au public, purement par hasard, sans rencontrer personne qui en interdise ou en réglemente l'accès. Cela n'expliquait pas non plus ce que faisait ce tram 81 au début du labyrinthe, ni la balustrade de Victor Horta qui, eux, ne devaient pas se trouver là "par hasard". Il y avait dans cette aventure plus de questions que de réponses...

Mais sans que je le sache, un processus venait d'être déclenché et cette expédition n'allait pas être la seule du genre !