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Le problème
avec la reconstitution historique du sabbat d'Ellezelles réside dans le fait qu'il est difficile de faire la part des choses entre l'inspiration débordante de
Jacques Vandewattyne, issue de son imaginaire, et
les faits réellement authentiques, historiques. Nous avons malgré tout trouvé des éléments indiscutables :Entre 1560 et 1650 les "sorcières" étaient pourchassées et exécutées en masse dans toute l'Europe et en Russie. Dans notre province du Hainaut, qui était ancien conté des Pays Bas espagnols, plus de 200 personnes ont été exécutées à cette époque. Outre les accusations de certaines qui prétendaient réellement jeter des sorts, beaucoup étaient innocentes et condamnées sans fondement.
L'historien Bechtel cite : "Pour juger de la répression, n'est-il pas indispensable de savoir ce que faisaient vraiment les accusés, s'ils étaient coupables et de quoi ? Or au regard de l'histoire, ce n'est pas la même chose de mettre à mort des innocents, ou des coupables, ou des complices, toutefois tous subirent le même sort."
Ainsi à Ellezelles l'on dénombre deux vagues d'exécutions, la première en 1599 dont :
Jeanne du Transvoit, âgée de 70 ans, torturée deux fois;
Donasse le Latteur, âgée de 56 ans, torturée une fois;
Catherine de le Vallée, âgée de 60 ans, torturée 1 fois,
toutes les trois ont été exécutées le 10 mars 1599.
La seconde vague, plus connue, avec:
Agnesse de la Plache, âgée de 80 ans et torturée deux fois;
Martine de le Vigne, âgée de 50 ans et torturée deux fois;
Catherine de le Voye, âgée de 60 ans et torturée deux fois;
Quintine de le Glisserie (ou Clisserie), âgée de 38 ans,
torturée une fois,
Magdelaine Lestarquin (ou Lesterquy), âgée de 65 ans et torturée deux fois,
ces cinq malheureuses femmes ont été exécutées le 26 octobre 1610.
L'illustration ci-jointe, extraite d'une BD de Jacques Vandewattyne, "Quintine, la terrible sorcières d'Ellezelles" (éditions "Les Amis du Folklore Ellezelles") également en ma possession, m'ont été léguées par le grand artiste lui-même. C'est avec beaucoup d'émotion que je l'introduis aujourd'hui dans les pages du CERPI, avec une reconnaissance éternelle. Merci, Jacques !
Nous remarquons donc non seulement que cette fameuse Quintine a bel et bien une réalité historique, qu'elle fut non seulement considérée comme sorcière mais aussi exécutée comme telle. Mais on remarque aussi qu'il s'agissait de la plus jeune de toutes et qu'elle ne fut torturée qu'une seule fois. On peut se demander pourquoi celle-ci garda une place dans la mémoire populaire alors que les autres tombèrent dans l'oubli. Quant aux deux sources que nous avons consultées, elles font état de noms parfois quelque peu différents, mais il s'agit incontestablement des mêmes personnes et le phénomène ne provient que de la succession de retranscriptions ainsi que des aléas de la langue et de son évolution en plus du patois local dont il est manifestement issu. ("de la Plache" donne "Delplace"; "de le Voye" donne "Duchemin"; "Dellevoie" ou "Delroute", par exemple, etc.)
Il faut croire aussi que ces exécutions ne portèrent pas chance aux Ellezellois puisque la peste ravagea la localité pas plus tard que cinq ans après, soit en 1615.
Quant à Jacques Vandewattyne lui-même, il nous livre encore une magnifique preuve indirecte de l'authenticité historique de la reconstitution en disant : "Je suis convaincu de l'innocence de ces malheureuses. J'ai une pensée émue pour les victimes de l'intolérance, de la méchanceté et de la bêtise humaine". (J.V 1983)
Nous reviendrons plus en détails sur Quintine et Jacques Vandewattyne. En attendant, revenons à nos moutons, ou plus exactement à nos boucs noirs...
L'obscurité est maintenant devenue presque totale sur la place de l'Aulnoit et le spectacle commence.
Il commence d'ailleurs sur un mode mineur et c'est le spectre du fiasco qui se profile dans cette première partie du spectacle où l'on voit deux villageois qui conversent et s'entretiennent à propos du comportement de certaines femmes du village, dont parfois leurs propres épouses.
A en juger de ce qu'elles font, de ce que l'on aperçoit dans leur sillage et de ce que l'on en espionne, il s'agirait certainement de sorcières ! Il est vrai que l'époque est à la superstition et que toutes sortes de croyances vont bon train.
Voilà donc le genre
de discours que devaient tenir les habitants de la région il y a de cela
environ quatre cents ans.

Mais ce petit reproche, qui sera sans doute corrigé pour l'édition prochaine laissera bien vite sa place à une prestation de très bon niveau.
L'arrivée du diable, magistral dans son déguisement, vient sauver la situation. Son discours s'avère d'une toute autre trempe et c'est vrai que le personnage le réclame. Et il se présente : communément appelé "le diable", il existe sous bien d'autres noms dont celui de Satan bien sûr, mais aussi Belzébuth ou Méphisto, pour ne citer que ceux-là. Et là, probablement lui-même victime de quelque mauvais tour, le diable en personne semble s'emmêler un peu les pinceaux dans les syllabes : "Belzéboth et Méphistu ?". Se rendant compte de son lapsus, le voilà qui s'esclaffe et manque de partir d'un fou rire qu'il ne réprimera qu'à grand peine ! Monsieur le diable, soyons sérieux, voulez-vous ?
Avec le diable tout va donc changer, les choses deviennent sérieuses, les sorcières doivent venir lui compter leurs méfaits et celui-ci appréciera.
Heureusement, diable, villageois et sorcières se reprennent bien
vite, après tout personne n'est parfait et l'on peut bien excuser
les travers humains, même et surtout en pleine sorcellerie.
Justement, les sorcières arrivent à grands renforts de flammes et de cracheurs de feu qui illuminent l'assistance et réchauffent l'ambiance. Elles viennent raconter leurs méfaits au grand Satan et là, toute l'atmosphère du sabbat reprend vigueur, on retrouve derrière la mise en scène tout le savoir faire de Jacques Vandewattyne et son héritage génial.
Il y a une monumentale allusion à l'actualité (de 2006) lorsque l'on voit les sorcières confinées parce qu'ainsi en a décidé le ministre de la santé publique (une prémonition ?), ce "satané Rudy Demotte", à propos des volatiles. C'est que durant l'année écoulée, poules, coqs, oies et autres figurants de basse-cour ont du faire l'objet de mesures particulières pour lutter contre les risques de contamination de la grippe aviaire. Tiens donc ! (et comme les sorcières volent sur leurs ramons, elles aussi ont été enfermées !)
La sorcière chinoise a, elle aussi, eu beaucoup de
succès dans l'édition 2006 du sabbat d'Ellezelles.
Représentation humoristique de l'actualité sportive de l'année, marquée par des manœuvres de corruption dont un chinois était le responsable.
Chaque année, le sabbat reprend ainsi des événements marquants de l'année et les agrémente à la sauce surnaturelle. Une manière très personnelle et efficace de mélanger l'humour et les sujets graves, la réalité et le surnaturel, finalement aussi d'exorciser les peurs (du moins, pour les plus petits !)
Le monde
du football sera lui aussi en ligne de mire et à cette occasion on
découvrira même une nouvelle sorcière : la sorcière chinoise !
Voilà un méchant clin d'oeil satanique à l'égard de l'affaire des matches truqués et des pronostics. (Dans cette affaire, un chinois fut effectivement impliqué et cela fut largement médiatisé en Belgique). Les grandes équipes en prendront chacune pour leur grade, les affaires de dopage seront mises en cause... comme certains joueurs qui se mirent à cracher sur leurs adversaires ou à jeter leur vareuse à la figure de l'arbitre !
Il y fut aussi raconté d'autres méfaits plus classiques. Ainsi, un bus à impériale versa dans le fossé, toujours à cause des œuvres des sorcières bien entendu (mais qu'ont-elles donc contre les chauffeurs de bus, ces sorcières ?). Une culbute spectaculaire au cours de laquelle certaines victimes se retrouvèrent le nez dans... les fesses de leurs proches, une manière "impériale" de semer la zizanie !
Un immense transport de bestiaux connut un sort assez semblable en
perdant sa cargaison de pourceaux sur la chaussée. Un fameux tour
de cochon pour les autorités communales...Pendant ce temps, le
diable, ravi des œuvres de ses protégées, exulte, joue de
la fourche, ricane et récompense les sorcières au moyen de
certaines doses de philtre magique qui leur donnera courage
et vigueur pour faire pis encore l'année prochaine. Et là
encore, certaines réflexions humoristiques fusent sous la
forme de parodies de publicités pour certains produits de
consommation courante.
Le monde du football n'est pas épargné par les sorcières : matches truqués, comportements répréhensibles de joueurs, pronostics falsifiés, même les performances du club local seront en cause !
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