|
|
|
4. Hypothèse majeure
Au risque de décevoir les amateurs de mystère, nous allons une fois de plus avoir recours à la simple science pour tenter d'expliquer le phénomène de la marche sur les braises. Et nous allons d'ailleurs y parvenir ! Alors allons-y !
Il y a trois moyens distincts pour que l'énergie (et la chaleur est bien une énergie) se déplace : la convection, la conduction et la radiation.
La convection transfère la chaleur par le mouvement de masse d'un fluide comme l'eau ou l'air. Quand un fluide est chauffé, il se dilate, causant la dispersion de la source de chaleur en emportant l'énergie. Dire que "l'air chaud monte" est un exemple de ce phénomène. Comme on l'aura compris, la convection impliquant le mouvement de fluides, elle n'a pas d'impact significatif dans le phénomène de la marche sur le feu.
La radiation transfère la chaleur généralement par la transmission d'ondes électromagnétiques infrarouges. L'électromagnétisme déplace l'énergie à la vitesse de la lumière et se manifeste sous la forme d'ondes radio, de rayons-X, de micro-ondes, etc. Ces ondes ne sont pas composées de chaleur en soi, mais certaines fréquences causent une augmentation des mouvements atomiques qui augmentent la température. Comme la convection, la quantité de chaleur transférée aux pieds par la radiation est négligeable pendant la marche sur le feu. La marche elle-même est trop brève et les cendres couvrant les braises peuvent inhiber la transmission de la chaleur par radiation
La conduction enfin, transfère la chaleur non pas par le mouvement du support lui-même, mais par ses constituants fondamentaux, ses atomes et ses molécules. Comme les molécules vibrent de plus en plus vite, elles transfèrent de leur énergie à leurs voisines plus calmes. Les molécules voisines commencent à s'exciter, et passent elles-mêmes de leur énergie à leurs voisines et ainsi de suite. La chaleur n'est, en fin de compte, que la conséquence de ces mouvements d'atomes et de molécules. La conduction survient par le mouvement des électrons, qui participent grandement au transfert de la chaleur à travers le matériau. Dans ces conditions, l'objet, et tout ce qui entre en contact avec, devient de plus en plus chaud par la chaleur qui est conduite à travers. Si vous mettez une barre de métal sur une flamme, quand bien même votre main serait fort éloignée de la source de chaleur, vous pourriez être brûlé par la conduction de la chaleur de la barre jusqu'à votre main. C'est le principal mécanisme par lequel la marche sur le feu transfère de l'énergie des braises aux pieds du marcheur.
Maintenant que nous savons comment
l'énergie calorifique va aux pieds du marcheur, il faut déterminer de quelle importance est cette chaleur afin de voir si des brûlures sévères sont inévitables.
Tous les conducteurs ne sont pas égaux entre eux. Certains matériaux conduisent la chaleur très efficacement tandis que d'autres prennent un temps relativement long pour conduire une quantité égale d'énergie thermique. L'exemple parfait de ce phénomène est celui de la cuisson du gâteau au four. En ouvrant un four ayant cuit un gâteau à 200° pendant une demi-heure, tout dans le four, y compris le gâteau, le moule et même l'air, est à 200 degrés. En touchant le gâteau on se rendra compte qu'il est chaud mais pas comme s'il était à 200 degrés, on peut le toucher brièvement sans risquer de se brûler, cela reste tolérable. Il en est de même pour l'air contenu dans le four. Par contre, pour ce qui est du moule, c'est une autre affaire ! Même un toucher très court conduira une importante quantité de chaleur jusqu'à la main, faisant courir le risque de cloques ou de sévères brûlures. Comment tous ces objets, qui sont pourtant à une température identique, peuvent-ils avoir des effets si différents sur notre peau et notre perception de la chaleur ? La réponse vient de la conductivité.
Certains conducteurs sont inefficaces pour ce qui est de déplacer la chaleur d'un endroit à un autre, quelle que soit sa température. On pourrait penser que des matériaux, ayant une densité similaire, devraient transporter la chaleur relativement rapidement, mais ce n'est pas le cas. Par exemple, le bois et l'aluminium ont des densités équivalentes, mais leurs taux de conduction diffèrent énormément. La facilité avec laquelle la conduction "s'exprime" est d'autant plus importante qu'il y a des électrons "disponibles" ou "libres". Les matériaux pauvrement conducteurs déplacent la chaleur principalement par vibration des atomes, qui transfèrent la chaleur dans tout le support. Les très bons conducteurs ont une propriété supplémentaire : une abondance d'électrons libres. Les électrons sont les particules de charge négative qui "entourent" les atomes. Certains atomes "bloquent" hermétiquement leurs électrons, mais d'autres types d'atomes ont des électrons libres errant partout dans la matière, transportant la chaleur. Ce sont principalement ces électrons libres, associés aux vibrations des atomes, qui font la différence entre les bons conducteurs et les mauvais. Ensemble, les deux modes de conduction forment une combinaison puissante. Par exemple, la plupart des métaux conduisent la chaleur des milliers de fois mieux que les plus pauvres conducteurs. Ceci a pour résultat un transport extrêmement rapide de la chaleur dans le métal que vous tenez à la main, causant la brûlure.
Le transfert de la chaleur dépend également de la différence entre la température et l'énergie thermique (chaleur). La température est définie comme l'énergie cinétique moyenne des atomes dans une substance donnée, tandis que l'énergie thermique est la quantité cumulée d'énergie contenue dans tous les atomes en mouvement. Étant donné que tous les objets dans le four ont la même température, une molécule d'air devrait avoir la même énergie cinétique qu'une molécule du moule en métal. Cependant, le moule possède environ un million de fois plus d'atomes par unité de volume, ce qui augmente sa quantité d'énergie thermique d'un million. Ainsi, même si une substance était bonne conductrice, la faible quantité d'énergie thermique qu'elle contient empêchera le transfert d'une quantité significative d'énergie thermique.
Le concept de capacité calorifique a aussi son importance. Plus la capacité calorifique d'une substance est importante, plus la quantité d'énergie nécessaire afin d'augmenter sa température d'un degré sera importante. Prenons l'eau par exemple, elle possède une capacité calorifique importante parce qu'il faut une importante quantité d'énergie afin de faire monter sa température d'un degré. Inversement, le métal a une faible capacité calorifique parce qu'il atteindra la même température avec beaucoup moins de chaleur. Ainsi, si l'eau et le métal atteignent tous deux une température identique, il aura fallu beaucoup plus d'énergie à l'eau pour atteindre ce niveau, qui a pour résultat une quantité supérieure d'énergie thermique. Le corps humain a une capacité calorifique relativement importante (identique à celle de l'eau). Dans un four, l'importante capacité calorifique de votre main est entourée par la faible capacité calorifique de l'air. Ce qui fait que l'intrusion de la main dans la température ambiante du four ne s'ensuit que par une faible augmentation de la température de la main.
Nous comprenons mieux maintenant pourquoi marcher sur le feu n'est finalement pas une activité si dangereuse, comme cela pourrait sembler au premier abord.. Le charbon de bois utilisé par les fakirs de la braise peut être à une température très élevée, mais c'est un mauvais conducteur et il a une faible capacité calorifique. Il ne contient pas beaucoup d'énergie thermique et sa chaleur n'est pas efficacement transférée. Le bois est un si mauvais conducteur de chaleur qu'il sert d'isolant thermique, même sur le feu.
Avant l'avènement des plastiques résistants à la chaleur, le bois était utilisé pour faire les poignées de casseroles ou de fers à souder. La peau est aussi mauvaise conductrice, seulement quatre fois plus efficace que le bois. Le contact rapide des pieds du fakir avec les charbons de bois contribue à diminuer davantage la conduction. Une marche d'une quarantaine de pas exposera chaque pied à un contact direct d'environ une seconde au total. Ajouté à cela le fait que la nature irrégulière des braises réduira encore le contact avec la peau et donc le phénomène de conduction. Enfin, les cendres sur les braises joueront un rôle d'isolant. Tous ces facteurs font que la conduction de la chaleur se fera très lentement dans un délai très court.
Voilà donc le phénomène expliqué ? Pas si sûr ! Charbon de bois mauvais conducteur nous, on veut bien mais... qui n'a jamais fait un barbecue et remarqué la chaleur qui en émanait ? Iriez-vous jusqu'à y plonger votre main, même pour un bref instant ? Certainement pas n'est-ce pas ? Et vous auriez bien raison car vous risqueriez malgré tout de sévères brûlures ! Alors?
Alors nous pensons que pour réussir la marche sur le feu, il faut un peu de tout. Bien sûr les phénomènes scientifiques relatifs à la conductivité des corps exposés ci-dessus est absolument authentique mais cela risque de ne pas suffire. C'est pourquoi ce qui a été dit précédemment reste valable. Avant d'aller plus loin,
faisons un petit détour par la subjectivité de la douleur, nous tirerons ensuite les conclusions...
HAUT - ACCUEIL - SOMMAIRE - PRÉCÉDENTE