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UNE PASSION INCOMPRÉHENSIBLE
C'était une erreur. Mais je n'allais l'apprendre que bien plus tard, longtemps après avoir écumé les rues de Bruxelles à la recherche d'anciennes voies ferrées de la S.T.I.B. (Société de transports intercommunaux bruxellois) et de la S.N.C.V. (Société nationale de chemins de fer vicinaux), avoir dépouillé les bouquinistes de la capitale, fait les brocantes, recueilli mille témoignages, etc. Car, pour ne rien gâcher, si les vieilles motrices toutes carrées, les plus anciennes que j'aie connues, revêtaient plus d'intérêt à mes yeux que les nouvelles, plus aérodynamiques, plus rapides et plus confortables, ce qui m'intéressait surtout c'était de retracer l'itinéraire des lignes disparues. Jadis, Bruxelles avait connu bien plus de lignes de trams que ce que j'avais pu en voir dans les sixties et les seventies, mais certaines avaient dû finir par manquer de rentabilité après l'"Exposition Universelle de 1958" (qui est aussi l'année de ma naissance, hum !), il y avait eu des restructurations, etc. si bien que de nombreux numéros de lignes n'étaient désormais plus attribués. Beaucoup de rues n'étaient plus desservies, comme par le passé, par le matériel roulant sur rails et, au mieux, voyaient désormais le passage de bus pour les remplacer. Parfois, les rails étaient encore présents mais comme seuls témoins abandonnés, d'autre fois les travaux avaient laissé des traces dans la chaussée et attestaient du passé ferroviaire de l'artère, mais souvent tout avait déjà disparu et j'avais du mal à imaginer que le tram avait pu gravir telle ou telle côte, particulièrement raide, réussir à prendre un virage aussi serré ou s'en aller gambader entre les arbres d'un bois à présent impénétrable. Toutefois, ces seules considérations topographiques me paraissaient bien insuffisantes pour justifier et expliquer ma passion. Mais au fait, faut-il toujours expliquer ce genre de choses ? Dans mon cas, la réponse est affirmative : je veux toujours pouvoir tout expliquer ! Mais y arriver était une autre paire de manches ! Cela m'a pris environ quarante ans, mais quelle satisfaction au bout du compte ! Et quel enrichissement personnel en prime ! C'est en allant à la recherche de ces vieux trams et de leurs itinéraires, pour quelque sombre raison enfouie au fond de mon subconscient (du moins était-ce mon hypothèse à l'époque) que j'ai découvert des mondes incroyables, des "trésors" fabuleux, bel et bien en rapport avec l'étrange, ô combien ! L'explication par le sous-sol
Explication médiumnique Les trams, autrement plus que les bus, laissent une empreinte beaucoup plus marquée sur les rues que leurs lignes ont parcouru. C'est parfaitement normal puisque la pose des rails (et son enlèvement ultérieur, sans compter toutes les modifications techniques éventuelles, les réparations, etc.) ont nécessité l'ouverture de la chaussée. On a fouillé les entrailles de la terre, on a retourné le sol à plusieurs reprises et cela a incontestablement eu une incidence perceptible au niveau médiumnique.
Les strates superposées au fil du temps ont été perturbées par la main de l'homme, il y a eu une incursion artificielle dans le processus temporel et cela a libéré des énergies résiduelles. Il est possible et c'est mon hypothèse, que j'aie ressenti ce que ces perturbations avaient pu libérer. A l'âge que j'avais à l'époque, j'étais bien incapable d'identifier tout cela, de le comprendre et encore moins de l'utiliser.
Mais l'aspect psychologique dont je viens de parler a agi de concert avec l'aspect médiumnique, en parallèle. Il y a aussi pu y avoir une interaction heureuse qui a favorisé le phénomène. En effet, aussi bien en sous-sol qu'en surface, les trams (et les bus cette fois-ci, sauf intervention supplémentaire au niveau de l'électrification des lignes qui aurait pu jouer un rôle catalyseur et à l'exception donc des trolleys bus) laissent des traces indélébiles car des centaines, des milliers de personnes
Explication traditionnelle et ludique
L'explication ludique est complètement prise à contre pied par le ressenti que j'ai également eu (toujours en rapport avec ces mêmes trams et les entrailles de la terre) et qui dégageait un très fort sentiment de tristesse, de disparition, d'abandon, de passé révolu. Il me semblait y avoir dans ce ressenti quelque chose de très insultant, irrévérencieux, quelque chose qui, comme on dit : ferait se retourner les morts dans leurs tombes. Or, comment un enfant de 9 ans tout au plus à l'époque aurait-il pu prévoir l'aspect de sa ville quelques décennies plus tard ? Comment aurait-il pu anticiper sur les projets des promoteurs ou seulement supposer que des établissements florissants, en pleine activité, connaissant même un succès énorme, allaient disparaître ? Ce n'est d'ailleurs pas un comportement enfantin classique : les enfants ont plutôt tendance à croire que les choses resteront toujours comme ils les voient. Ils ont déjà bien du mal à s'imaginer que leurs parents vont vieillir, même si cela tombe sous le sens. Explication affective
Cependant, si cette explication paraît très plausible pour expliquer un attachement ultérieur aux choses du passé, qu'il s'agisse ici de trams ou de toute autre chose importe peu, n'explique en rien cette différence très marquée entre les anciens modèles de trams ("tout carrés") qui avaient toutes mes faveurs en dépit de leurs inconvénients et cette répulsion quasi viscérale pour les nouveaux modèles avec tous leurs avantages. Il est sans doute encore plus incompréhensible et inexplicable qu'un enfant de neuf ans tout au plus ait pu associer ces véhicules démodés à la grandeur passée d'un pays, le lustre d'antan, une sensation de puissance formidable. On aurait pu supposer que l'arrivée de motrices plus perfectionnées, plus rapides, plus confortables, plus jolies aussi, aurait fait espérer un avenir meilleur, un développement technologique très intéressant et profitable, or c'était tout le contraire ! Il n'est pas concevable d'imaginer qu'un enfant de cet âge ait pu spéculer sur l'indépendance du Congo, la perte de cette colonie, ses retombées politiques et économiques, les influences sur la vie future. Il est encore plus inadmissible que tout cela ait été provoqué par des ressentis en rapport avec les vieux trams. Cela a pourtant bel et bien été mon ressenti, ou plutôt l'un d'eux puisque, comme vous venez de le constater, il y en a eu beaucoup. La photo du wagonnet vert provient de l'excellent site de Wipeout (http://wipeout.free.fr), elle est sous copyright, merci à David pour son autorisation. Attention ! De nombreuses personnes et certains de nos correspondants nous ont envoyé des photos qui figurent dans cette partie du site. Malgré toutes nos recommandations insistantes, ne pouvant tout contrôler, il est possible que certaines images soient sous copyright et que leurs propriétaires se sentent lésés. Il n'a jamais été dans nos intentions de nuire ni d'outrepasser la loi. Le cas échéant, merci de nous contacter en vue d'une solution à l'amiable. Si tel est votre désir, nous retirerons immédiatement la photo concernée ou l'accompagnerons des liens, références et remerciements adéquats. |