Sabbat d'Ellezelles

Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

LE SABBAT DES SORCIÈRES À ELLEZELLES


Nous l'avons dit et répété à souhait, parce que c'est amplement mérité et qu'on ne le dira jamais assez : Ellezelles regorge de possibilités touristiques, folkloriques, artistiques, et... surnaturelles, dignes du plus grand intérêt pour tout le monde, que l'on soit membre du CERPI ou pas, mais forcément encore plus si l'on s'intéresse aux choses de l'étrange puisque la région y est presque essentiellement consacrée.

Lorsque vient le jour du grand sabbat des sorcières d'Ellezelles, l'animation bat son plein dans les rues de cette petite localité, sortie de l'anonymat et de l'indifférence la plus totale grâce aux oeuvres et au talent de Jacques Vandewattyne. Il y a de cela quelques décennies, en effet, Ellezelles était encore un petit patelin où personne n'aurait eu l'idée de venir se perdre pour n'y passer ne serait-ce qu'une journée. Aujourd'hui, une journée complète ne suffit pas pour tout voir !

L'après-midi, les badauds auront déjà eu l'occasion de parcourir les sentiers de l'étrange, histoire de se mettre en condition avant le grand sabbat. Ces sentiers sont accessibles toute l'année, bien sûr, mais pour l'occasion ils font l'objet d'une attention toute particulière et le trajet se fait en compagnie de guide(s) dont les narrations hautes en couleurs intéresseront et amuseront petits et grands.

Il y a également un petit musée consacré au même thème qui vaut le détour. Le détour ? C'est une façon de parler puisqu'il est situé tout près de lieu où commenceront les festivités du grand sabbat, c'est-à-dire à deux pas seulement de la grand place.

Le dernier samedi du mois de juin, cette même grand place d'Ellezelles est noire de monde, les cafés font des affaires en or, les garçons sont débordés, on fait la file dans les petits estaminets qui ont improvisé des buvettes situées à l'extérieur pour profiter du soleil qui est de la partie pour le plus grand bonheur de tous.

En 2006, le CERPI était sur place ou plus exactement son administrateur délégué et sa petite famille. La météo s'annonçait tout particulièrement menaçante et recommandait même la plus grande prudence en raison de l'arrivée imminente d'un front orageux très actif et des orages particulièrement violents ne devaient, paraît-il, pas manquer de s'abattre sur la région (on prévoyait jusqu'à 100 litres de pluie par m2 !). Mais dans l'immédiat, rien ne le laissait supposer, le ciel était dégagé, il faisait franchement bon et même chaud. Pour le reste, on verrait bien après !

En attendant, ce qui nous intéressait, c'était bien sûr ce fameux sabbat et une première chose qui ne laisse pas d'étonner, c'est que dès le début, les sorcières sont bel et bien présentes, parmi les gens, presque "intégrées" parmi ceux-ci, dans une ambiance générale de convivialité, un esprit bon enfant qui dénote le but parodique de la représentation qui suivra et le besoin peut-être viscéral d'exorciser certaines peurs ancestrales un peu comme lors de la fête d'Halloween, à laquelle personne ne manquera de penser.

Ce qui étonne aussi, c'est le nombre de ces sorcières ! On s'attendait à n'en voir que l'une ou l'autre puisqu'il est fait état de cinq mégères qui, historiquement, trouvèrent le trépas. Mais de cinq initiales, ce sont bien maintenant de cinquante dont il faudrait parler ! Et elles se laissent photographier sans vergogne, se montrent bien sympathiques sous leurs masques affreux, comme il se doit, et leurs tenues de veilles dames campagnardes. Pourtant, un oeil exercé et attentif aura vite compris que sous ces vêtements de circonstance ne se cachent pas uniquement des femmes mais aussi des hommes, à la carrure parfois imposante ou même des... enfants !

Tout ce petit monde va vite venir s'entasser près du balcon de la Maison du Parc Naturel où le diable en personne (accompagné de quelques sorcières venues lui donner un coup de main) viendra lancer ses sortilèges, mais aussi toutes sortes de friandises et même de petits pagnons. Précédemment, on aura assisté à l'intronisation des nouveaux Chevaliers de l'ordre du Ramon. Il est utile de savoir qu'une bonne partie des différentes cérémonies se déroulera en patois wallon local, voire même aussi en flamand car nous ne sommes pas loin de la frontière linguistique et pourtant toujours en Hainaut. Un ramon est donc une sorte de balai, l'accessoire inévitable de la sorcière.

Mais il va bientôt être question, sur le coup de 21 h 30 environ, de "passer un coup de balai" sur les prémices et de se diriger vers le lieu principal des festivités. Le départ était fixé à 21 h 15 et ne déplore donc qu'un quart d'heure de retard, le fameux quart d'heure académique que l'on pardonnera facilement car il est vrai aussi que, pour se dérouler dans les conditions optimales, le sabbat devra se dérouler dans l'obscurité et, à cette période de l'année, les journées sont longues !

Bien avant que le départ pour le sabbat proprement dit ne soit donné, l'ambiance est déjà à la fête parmi tous les participants. Les monstres sont déjà présents et il n'y a pas que des sorcières mais aussi toute une panoplie d'autres entités humoristiquement inquiétantes (si on nous passe le paradoxe !).

Si certains visages sont graves, détrompez-vous, ce n'est certainement pas que la bonne humeur soit absente ! Vous pourrez le constater par vous-même si vous avez la chance de participer à cet événement. C'est tout simplement que par un grand souci de perfection, tous les acteurs veulent que tout soit au point, le moindre détail se doit d'être irréprochable !

Il faut bien le dire, juste avant le départ pour le grand sabbat, les choses étaient un peu confuses.

Bien que, pour certains, il faille compter avec les oeuvres et les excès de Quintine, la délicieuse bière locale, à consommer avec modération (envoûtante, certes, mais assez lourde et traître, nous dirions même "ensorcelante"), il n'était pas évident de se procurer les tickets d'entrée ni de savoir où, quand et par où il faudrait aller !

Par exemple, nous n'avons pas trouvé le "Chalet des sorcières" où les tickets sont en vente d'après les renseignements obtenus dans divers sites Web. Il faut dire que celui-ci se situe probablement juste sous le balcon diabolique dont nous avons précédemment parlé et que celui-ci s'avère inaccessible car pris d'assaut par la foule lors de la cérémonie.

Mais les choses allaient vite se régler, comme par enchantement.

Bien sûr, grâce à l'incontestable succès de foule, il aurait suffit de suivre les cohortes de participants.

Vu la grande amabilité des locaux, il n'est pas difficile d'apprendre que des tickets seraient disponibles sur le trajet même et par conséquent, on se rassure vite.

En outre, l'astuce se situe dans un point pittoresque supplémentaire : le départ officiel serait donné lorsque un grand char tiré par de fiers chevaux brabançons se mettrait en route. Dès lors, il n'y aurait plus qu'à suivre, accompagné en cela par toute une clique de sorcières bienveillantes et attentives, pour une petite marche de près de trois kilomètres.

Cette marche sera tout ce que l'on voudra sauf ennuyeuse, qu'on se le dise pour ceux que tout effort sportif rebute !

En effet, ce n'est certainement pas d'une épreuve dont il s'agit et l'accès est tout à fait possible même aux handicapés en chaise roulante, bien que - il faut aussi l'avouer - cela ait tendance à monter assez sec à l'aller (et ce qui est encourageant, c'est donc de savoir que cela descendra au retour.)

Mais il y a bien d'autres raisons.

C'est que, en chemin, vous aurez l'occasion de remarquer que l'on a tout fait pour donner un caractère insolite, vaguement inquiétant et certainement amusant au parcours. Ce sont des devantures décorées pour la circonstance, des mannequins, des loupiotes diaboliques, des géants, une fanfare et puis toujours ces sorcières omniprésentes, qui commencent à prendre une espèce de réalité au fur et à mesure que l'obscurité gagne. Bien sûr, il y a aussi la bonne humeur des marcheurs qui y vont de toutes sortes de plaisanteries, un point d'arrêt où l'on peut se rafraîchir le gosier ou goûter à certaines spécialités locales et puis la nature environnante participe à sa manière aux festivités, se montre à la fois splendide et troublante, comme aux prises avec quelque sortilège.

Les sorcières, qui prendront part tout à l'heure au grand sabbat, sont présentes dès le départ parmi les badauds.

Pourquoi se cacheraient-elles alors qu'elles font désormais partie intégrante du paysage et du folklore d'Ellezelles, et ce depuis plusieurs décennies ?

C'est lorsque l'on arrive sur les lieux proprement dits que les choses commencent à devenir réellement intéressantes.

L'endroit est particulièrement vaste et tout à été prévu : plusieurs tentes sont en place, là pour distribuer des tickets qui serviront à se procurer boissons ou nourriture, là pour s'attabler pour ceux qui le désirent, là pour satisfaire un besoin urgent ou encore d'autres tentes où l'on peut se procurer toutes les victuailles disponibles.

Au centre, on a érigé une sorte de piste où se déroulera le spectacle, délimitée par des barrières Nadar, ponctuée de mâts portant des projecteurs, comportant un "autel" et une sono, laquelle est déjà bien occupée à diffuser une musique appropriée ou les dernières recommandations des organisateurs.

A ce propos et surtout dans le contexte actuel, on ne pourra se résoudre à passer sous silence un point que nous jugeons assez déplorable. Ainsi nous avons entendu dire au micro : "Il est inutile de venir nous trouver pendant le spectacle, qui va commencer dans quelques minutes, pour nous dire qu'un enfant s'est égaré !". Bon ! C'est vrai qu'il y a beaucoup de monde, combien cinq, dix mille spectateurs ? Plus encore ? Difficile à dire ! C'est vrai que la police escorte ostensiblement et que les organisateurs ont pris soin de décliner toute responsabilité. Mais disons-le franchement : il convient d'être très attentif à sa progéniture, celle-ci pouvant facilement se perdre dans cette marée humaine ! Disons-le aussi au même chapitre des reproches : l'obscurité aidant certains n'hésitent pas à y aller de bourrades tout aussi inutiles qu'inopportunes pour se frayer un chemin vers les meilleures places, d'autres - hélas - s'adonnent à la drogue et s'affalent dans un recoin plus ou moins discret et d'autres encore font même l'amour (y compris avec des partenaires du même sexe m'a t'on rapporté)...
Voilà un spectacle que les parents ne voulaient pas forcément donner à leurs enfants !
Il s'agit bien sûr d'une remarque qui vaut pour tous les grands spectacles en plein air et ces comportements sont hélas très répandus. Que cela ne vienne toutefois pas bouder notre plaisir...

A Ellezelles, quoi que vous fassiez, où que vous alliez, vous ne manquerez pas de rencontrer figurines, dessins, sculptures, gravures, oeuvres diverses, monuments, en rapport avec l'étrange et le surnaturel. Ces objets sont omniprésents et font partie du paysage, devenu naturel de la région. Parfois très évidents, parfois plus discrets, il faut toutefois manquer singulièrement de sens de l'observation pour qu'ils passent inaperçus !

A l'occasion du sabbat, les choses sont plus flagrantes encore. En admettant que cela soit possible.

Pour en revenir à ce qui nous intéresse plus particulièrement, disons aussi que, de très longue date, l'endroit en question n'est pas réputé comme faisant partie des plus recommandables. La butte de l'Aulnoit traîne derrière elle un héritage satanique par sa stérilité. Il y a en effet longtemps que les paysans ont remarqué que l'on ne pouvait rien y faire pousser. C'est l'emplacement réel du sabbat qui eut lieu jadis, où de prétendues sorcières furent vraiment brûlées. C'était donc l'endroit idéal pour commémorer les faits historiques mais ne pourrait-on pas se demander si ce genre de festivités ne pourrait pas avoir aussi quelque chose de malsain ? Est-ce que, par exemple, en narguant ainsi les forces de l'ombre, on ne risquerait pas de s'attirer les foudres de Satan ?

Il est sûr en tous cas qu'il ne faut pas être médium pour sentir ici une ambiance lourde à souhait, des âmes doivent certainement planer dans les environs et l'on croirait sentir leur présence... Toute la communauté des trépassés et certainement les prétendues sorcières de jadis doivent tenir un regard attentif sur ce qui se passe aujourd'hui en leur honneur. Voilà du moins ce que l'on peut imaginer sans peine.

Notre trio de sorcières a fait le déplacement jusqu'à la butte de l'Aulnoit.

Pas une d'entre elles ne voudrait, pour rien au monde, rater ce rendez-vous avec le Grand Maître des Ténèbres. Le diable en personne qui, comme toute vedette, se fera attendre, mais arrivera certainement. Mais il ne sera pas tout seul, loin s'en faut ! Car d'autre surprises attendent les spectateurs

Mais croire qu'il n'y en aurait que trois, ou cinq ou même dix serait une lourde erreur. Les sorcières seront au contraire très nombreuses, plus horribles les unes que les autres...

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